Perquisitions des bureaux de la BBC en Inde : un nouvel assaut du gouvernement Modi contre la liberté d’informer
Les autorités fiscales indiennes ont perquisitionné les locaux de la BBC à Bombay et à New Delhi trois semaines après la diffusion d’un documentaire critique du Premier ministre Narendra Modi. RSF dénonce un acte de représailles et la volonté du gouvernement indien de resserrer son étau sur les médias indépendants.
Pour le deuxième jour consécutif, les bureaux de la BBC à Bombay et à New Delhi ont été perquisitionnés mercredi 15 février, dans le cadre d’une enquête pour évasion fiscale. Des documents de travail ainsi que les téléphones des journalistes ont été saisis au sein de la société de radiodiffusion britannique, suspectée d’irrégularités en matière de fiscalité internationale.
La réaction du porte-parole du Bharatiya Janata Party (BJP), interrogé sur ces perquisitions, est révélateur des intentions du parti au pouvoir. L’Inde, dit-il “est un pays qui donne une chance à chaque organisation [...], à condition de ne pas cracher de venin”.
“Ces perquisitions ont tout l’air de représailles contre la BBC qui a diffusé trois semaines plus tôt un documentaire critique du Premier ministre Narendra Modi. Elles se produisent dans un contexte de répression croissante de la presse indépendante et à un moment où le pluralisme se réduit comme peau de chagrin en Inde, en raison d’une concentration de plus en plus forte des médias. Il est essentiel que des médias internationaux comme la BBC puissent continuer d’opérer sereinement dans le pays et que les droits des journalistes, et notamment la protection des sources, soient respectés pendant les procédures en cours.
En janvier, la BBC avait été accusée de “propagande anti-indienne” à la sortie de son film documentaire, India : The Modi Question, qui met notamment en lumière le rôle joué par le Premier ministre Narendra Modi dans les violences interconfessionnelles de 2002 au Gujarat, dans l’ouest du pays. Le gouvernement avait alors bloqué toutes les publications sur Twitter et sur YouTube comportant des liens vers des vidéos du documentaire. Des étudiants d’une université de Delhi ont même été interpellés le 25 janvier dernier pour avoir tenté d’organiser une projection du film.
Instrumentalisation des autorités fiscales
Alors que la BBC assure coopérer pleinement avec les autorités au sujet des enquêtes en cours, tout en continuant à produire normalement et de façon indépendante ses programmes, il s’avère que le média britannique n’est pas le premier à faire l’objet d’un tel harcèlement administratif et judiciaire. Journalistes, médias et groupes de défense des droits ont déjà fait l’objet de contrôles de la part des agences chargées de la lutte contre la criminalité financière, après avoir osé critiquer la politique du gouvernement. En juillet 2021, le fisc a ainsi débarqué dans une trentaine de bureaux de Dainik Bhaskar, l’un des quotidiens les plus lus du pays, qui avait remis en cause la gestion de la pandémie de Covid-19 par les autorités indiennes. Quelques mois plus tard, c’est aux sièges des portails d’information en ligne Newslaundry et NewsClick, dans leur collimateur depuis juin 2021, que les autorités fiscales organisaient une descente.