Niger : la condamnation de Moussa Aksar est une attaque contre le journalisme d’investigation
Reporters sans frontières (RSF) dénonce avec la plus grande fermeté la condamnation du journaliste d'investigation, auteur d’une enquête sur l’un des plus gros scandales politico-financiers de l’histoire de son pays.
Sanctionné pour ses révélations. Le directeur de publication du journal nigérien L’Evénement Moussa Aksar vient d’être condamné à payer une amende de 200 000 francs CFA (environ 305 euros) et un million de francs CFA de dommages et intérêts (environ 1 525 euros) dans le cadre d’une affaire de détournements de fonds qui a éclaté l’année dernière dans le pays. Dans son enquête publiée en septembre 2020, le journaliste révélait comment des dizaines de millions d’euros avaient été détournés par des hauts responsables de l’armée et proches du pouvoir en surfacturation de matériel militaire, en livraison d’armes défectueuses ou en contrats qui n’avaient pas été honorés. Intimidé et même menacé de mort au cours de ses investigations, il a fini par faire l’objet d’une plainte pour diffamation déposée au Niger par un ressortissant nigérien installé en Belgique et cité dans l’enquête du journaliste pour sa participation présumée à la création d’une société écran. Moussa Aksar a fait appel de la décision rendue ce 7 mai.
“Au scandale du système de détournements de fonds révélé par ce journaliste s’ajoute celui de cette condamnation pour son remarquable travail d’enquête, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Cette décision est un encouragement à la mauvaise gouvernance et une attaque contre le journalisme d’investigation au Niger. Le message envoyé est tout simplement désastreux. RSF apporte son plein soutien à ce directeur de publication et demande son acquittement pur et simple lors du procès qui se tiendra en appel."
Joint par RSF, Moussa Aksar qui est aussi président de la cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation (CENOZO) et membre du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), avec lequel son enquête a été menée, affirme qu’il continuera son travail sur cette “affaire d’Etat”.
La condamnation de Moussa Aksar intervient alors qu’aucune suite n’a été donnée à sa plainte contre les messages menaçants qu’il a reçus d’Aboubacar Hima Massi dit « Petit Boubé », un marchand d’armes nigérien cité dans l’affaire.
Le Niger a reculé de deux places et occupe désormais la 59e position sur 180 dans le dernier Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2021.