RSF et plus de 500 radios communautaires appellent à la protection du journalisme local au Sahel

De Mongo au Tchad à Ansongo au Mali, en passant par Tillabéri au Niger ou Soum au Burkina Faso, Reporters sans frontières (RSF), avec plus de 500 radios communautaires du Sahel et leurs confrères des pays frontaliers, appelle à la protection du droit à l’information de proximité. Un appel lancé officiellement ce 24 septembre, lors d’une conférence de presse dans la capitale malienne, Bamako, et à travers la diffusion en six langues de capsules radio sur les médias partenaires.

En moins d’un an, deux journalistes de radios communautaires ont été enlevés par des groupes armés, dans une attaque au Mali qui a coûté la vie à l’un de leur collègue, et un journaliste de radio communautaire a été tué au Tchad.

Ces crimes illustrent une nouvelle fois le contexte sécuritaire dégradé dans lequel travaillent les journalistes du Sahel qui sont encore présents dans ces territoires, auxquels  plus aucun autre professionnel de l’information n’a accès – c’est le cas dans certaines parties du Mali, du Burkina Faso, du Niger, et du Tchad. RSF avait déjà alerté sur cette situation dans son rapport Dans la peau d’un journaliste au Sahel.

Les radios communautaires jouent un rôle crucial pour informer et sensibiliser la population. Médias de proximité, ces radios s’adressent communément aux habitants d’une localité donnée, dans les langues et les formats les mieux adaptés au contexte. Elles sont des centaines à mailler les territoires nationaux d’informations locales. Leur protection physique et aussi économique doivent être des priorités des autorités nationales, régionales et aussi internationales.

Une vingtaine de responsables de radios communautaires membres de l’Union des radios et télévisions libres du Mali (URTEL) se sont rassemblés ce 24 septembre à Bamako, pour prendre part à la présentation de l’appel signé par 547 radios communautaires du Sahel. Ousmane Touré, directeur de la radio communautaire Naata, dont le journaliste Abdoul Aziz Djibrilla a été tué par des bandes armées en novembre 2023, l’a dévoilé lors d’une conférence de presse. Au même moment, RSF et les radios partenaires ont lancé la diffusion d’une campagne de communication appelant à la protection du journalisme local en six langues : français, wolof, mooré, haoussa, bambara et fulfulde. 

Depuis leur création dans les années 1990, les radios communautaires sont parties prenantes du dynamisme de la liberté de la presse dans le Sahel. Or, ces médias de proximité et leurs journalistes paient un lourd tribut dans la région, en proie à l’instabilité provoquée par les bandes armées et l’incapacité des forces politiques nationales à leur garantir une protection. Alors que deux de nos confrères de ces radios ont été tués ces derniers mois, qu’au moins quatre d’entre eux sont à ce jour disparus, enlevés par des bandes armées, RSF, avec plus de 500 radios communautaires ouest-africaines, se mobilise pour appeler les autorités régionales et la communauté internationale à les soutenir et à les protéger. Il en va de l’avenir du droit à l’information.

Anne Bocandé
Directrice éditoriale de RSF

Journalistes tués, rédactions détruites

Alors qu’il se trouvait avec sa famille à Djondjol, au centre du Tchad, le journaliste Idriss Yaya de la radio communautaire de Mongo a été tué par balles le 1er mars 2024. Il avait souvent été menacé et agressé en raison de sa couverture des fréquents conflits intercommunautaires dans la zone. Ses assassins n’ont pas épargné son épouse et leur fils. 

C’est sur la route pour se rendre à une formation le 7 novembre 2023, que le journaliste malien Abdoul Aziz Djibrilla de la radio communautaire Naata à Ansongo, a, lui, été tué par balles par des assaillants. Les journalistes Saleck Ag Jiddou et Moustapha Koné de  Radio Coton d’Ansongo ont été enlevés lors de cette attaque.

Leurs confrères Hamadoun Nialibouly de la radio Dande Douentza (“La Voix de Douentza”) basée au centre du Mali et Moussa M’bana Dicko de Dandé Haire (“La Voix de Haïré”), au nord de Mopti, sont portés disparus respectivement depuis septembre 2020 et avril 2021. 

Du Niger au Burkina Faso, la dégradation de la situation sécuritaire a mis sous pression les journalistes et animateurs des radios communautaires. Si certains sont obligés de quitter leurs localités après la destruction de leurs radios par les bandes armées, d’autres sont dans l’obligation de s’autocensurer pour assurer leur sécurité. Au Tchad, les acteurs des radios communautaires s’abstiennent de plus en plus de couvrir les affrontements entre éleveurs et cultivateurs, à cause des fréquentes représailles. 
 

Les cinq priorités pour la protection des radios communautaires :

Les cinq recommandations phares de RSF et des radios communautaires adressées aux autorités nationales, régionales et internationales : 

  • lutter contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes des radios communautaires en ouvrant systématiquement des enquêtes pour que ces assassinats ne restent pas impunis ;
  • agir pour obtenir la libération des journalistes de radios communautaires kidnappés par des bandes armées ;
  • contribuer à la reconstruction des locaux de radios communautaires détruits par des attaques et à la reconstitution de leur matériel ;
  • former les équipes des radios communautaires à la sécurité physique ;
  • reconnaître l’importance des médias de proximité que sont les radios communautaires et leurs acteurs notamment dans les législations sur les médias. 
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