Maroc : Soulaimane Raissouni, condamné à 5 ans de prison, mérite un procès équitable
A l’issue d’une procédure entachée d’irrégularité, la justice marocaine a condamné Soulaimane Raissouni à cinq ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) demande la libération immédiate du journaliste en attendant son procès en appel.
Soulaimane Raissouni n’était pas au tribunal lorsque le juge a annoncé sa condamnation à cinq ans de prison pour "agression sexuelle", des faits qu’il a toujours contesté. Le rédacteur en chef du quotidien Akhbar al Yaoum, extrêmement affaibli par 93 jours de grève de la faim, n’assiste plus aux audiences de son procès depuis la mi-juin, faute de pouvoir “'être transporté en ambulance et d'avoir un fauteuil roulant", comme il en avait fait la demande.
“Cette décision survient à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités manifestes, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Nous demandons instamment que Raissouni soit libéré dans l’attente d’un procès en appel. Après une grève de la fin aussi longue, il y va de sa survie. Il mérite un procès équitable.”
La condamnation de Soulaimane Raissouni a été prononcée après 4 mois d’une procédure émaillée par de multiples irrégularités. Le parquet avait requis la peine maximale, soit 10 ans de prison ferme au prétexte que notamment que les déclarations du journaliste étaient "contradictoires" tandis que celles du plaignant étaient "concordantes et cohérentes" mais aussi que le journaliste était une personnalité publique et le plaignant un membre d’une minorité.
De nombreuses irrégularités entachent depuis le départ l’affaire Raissouni. Le journaliste, connu pour ses articles sur des sujets sensibles au Maroc, a été placé en détention provisoire en mai 2020 sur la base d’une simple déclaration d’un jeune militant LGBTQ sur son compte Facebook. Il n’a pas non plus été en mesure de communiquer librement avec sa défense durant les quinze jours qui ont suivi son arrestation. Son procès s'est ouvert en février 2021. Le 8 juillet, les avocats du journaliste se sont retirés de l’audience après un énième refus du juge de lui donner les moyens d’assister à son procès, malgré un état de santé extrêmement dégradé.
Le rédacteur en chef du journal Akhbar Al Yaoum -- en cessation de paiements depuis mars -- signait régulièrement des éditoriaux critiques. Sa nièce Hajar Raissouni, reporter au même journal, avait été condamné à un an de prison pour "avortement illégal" et "relations sexuelles hors mariage" en 2019 avant d'être gracié par le roi Mohammed VI. Le fondateur du quotidien arabophone Taoufik Bouachrine avait lui été condamné à 12 ans de prison en 2018, une peine alourdie à 15 ans en appel, pour des violences sexuelles qu'il a toujours niées.
Le Maroc occupe le 136e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2021 de RSF.