L'Espagne renonce à extrader le journaliste Hamza Yalçin vers la Turquie
Actualisation: Le journaliste suédois d’origine turque Hamza Yalçin a été libéré le jeudi 28 septembre de prison après plus de 55 jours de détention. Le lendemain, le porte-parole du gouvernement espagnol a annoncé qu’il ne sera pas extradé vers la Turquie du fait de son statut de réfugié obtenu en Suède.
« Nous nous réjouissons de la décision des autorités espagnoles qui s’inscrit dans le respect du droit international, déclare Reporters sans frontières (RSF). La libération de Hamza Yalçin est un message fort envoyé au gouvernement turc: non, Interpol ne saurait être un instrument utilisé à des fins politiques pour traquer des journalistes exilés à l’étranger. »
21.09.17 - Le 22 septembre 2017, cela fera 50 jours que le journaliste Hamza Yalçin est en détention en Espagne à la demande de la Turquie. Reporters sans frontières (RSF) réitère sa demande de ne pas l’extrader, et appelle Interpol à mieux se prémunir contre les recours abusifs de la Turquie et d’autres pays répressifs.
RSF dénonce régulièrement l’instrumentalisation d’Interpol par des régimes répressifs, prompts à lancer des “notices rouges” contre leurs critiques basés à l’étranger. L’exemple de Hamza Yalçin, incarcéré en Espagne depuis près de 50 jours, signale que cette pratique menace désormais aussi les nombreux journalistes turcs poussés à l’exil.
Hamza Yalçin n’aura pas droit à un procès équitable s’il est extradé
Le journaliste suédois d’origine turque Hamza Yalçin a été interpellé le 3 août à l’aéroport de Barcelone, sur la base d’une demande de la Turquie à Interpol. Il a été transféré le lendemain à la prison de Can Brians, en attendant que la justice espagnole reçoive une demande d’extradition officielle et statue à ce sujet.
Accusé d’avoir appartenu à l’organisation terroriste THKP-C et d’avoir “insulté le président de la République turque” dans sa revue Odak, Hamza Yalcin risque jusqu'à 22 ans et 6 mois de prison en Turquie. Le célèbre juge Baltasar Garzón a annoncé qu’il le défendrait pro bono. Après avoir participé aux mouvements révolutionnaires turcs des années 70 et s'être échappé après six mois de prison pour ce motif en 1979, Hamza Yalçin a obtenu l’asile politique en Suède, dont il a reçu la nationalité en 2005.
RSF a immédiatement appelé à ne pas extrader Hamza Yalçin vers la Turquie, où le droit à un procès équitable n’est plus garanti pour les journalistes critiques. Avec plus de 100 d’entre eux derrière les barreaux, le plus souvent sous des accusations de “terrorisme”, la Turquie est la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias. La plupart n’ont pas encore été jugés : ils croupissent en détention provisoire depuis près d’un an, et leurs demandes de remise en liberté sont systématiquement rejetées sans examen sérieux.
“Selon les accords internationaux, une personne ne saurait être extradée vers un pays où elle risque un procès injuste, la torture ou la peine de mort, souligne Macu de la Cruz, présidente par intérim de RSF Espagne. Si toutefois la justice ordonnait le renvoi de Hamza Yalçin en Turquie, il reviendrait au gouvernement espagnol de s’y opposer.”
L’urgence de poursuivre la réforme d’Interpol
Le nombre des “notices rouges”, ces mandats d’arrêts transmis par Interpol, a presque quintuplé en dix ans, passant de 2 804 en 2006 à 12 878 en 2016. Les Etats répressifs ont pris leur part dans cette tendance : RSF et d’autres organisations de défense des droits de l’homme dénoncent depuis plusieurs années une explosion des “notices rouges” politiques, visant à rattraper des dissidents en exil.
Les alertes de la société civile ont fini par aboutir à une prise de conscience : depuis 2015, Interpol a notamment commencé à renforcer son mécanisme d’appel. Mais beaucoup reste à faire, aussi bien pour mettre en œuvre ces réformes que pour mieux filtrer les demandes émanant d’États répressifs. C’est ce qu’a souligné l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans une résolution d’avril 2017, appelant Interpol à “continuer d’améliorer le système des notices rouges, de façon à prévenir les abus et à y remédier plus efficacement”.
“Des dizaines de journalistes turcs ont été contraints à l’exil depuis la tentative de putsch de juillet 2016 en Turquie, rappelle le responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF, Johann Bihr. Mais comme d’autres journalistes exilés de par le monde, ils sont désormais menacés par l’instrumentalisation politique d’Interpol. Il est urgent que l’organisation mène à leur terme les réformes engagées pour mieux se prémunir contre les recours abusifs de la Turquie et d’autres Etats répressifs.”
La Turquie occupe la 155e place sur 180 au Classement mondial 2017 de la liberté de la presse, établi par RSF.