Le 15 juillet, un groupe armé non-identifié a pris d’assaut les locaux du quotidien arabophone
Al-Taakhi, situés dans le quartier de Karrada, au centre de Bagdad. Ce média, proche du parti démocratique du Kurdistan (PDK), est dirigé par l’actuel président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani. Les assaillants ont menacé de s’en prendre aux journalistes présents sur les lieux, s’ils ne mettaient pas fin à leurs activités professionnelles.
Lors de cette attaque, le média
Al-Taakhi a subi de nombreuses pertes : vol de voitures, de téléphones portables, d’équipements audiovisuels et de fichiers. Une quinzaine d’ordinateurs et 8 millions de dinars irakiens (environ 5000 euros) ont aussi été dérobés.
Le directeur de la rédaction du journal
Al-Taakhi,
Badirkhan Sandi, a affirmé que les auteurs de cette attaque étaient vêtus d’uniformes des forces de l’ordre irakiennes et se seraient rendus au siège de son journal dans des voitures appartenant à la police. Face aux menaces qui pèsent sur son média, il a déclaré, dès le lendemain de cette attaque, qu’il allait
suspendre momentanément les activités du journal afin de garantir la sécurité de tous ses employés.
“
Les médias irakiens, plus particulièrement kurdes, sont pris en tenaille entre des groupes terroristes qui menacent le pays, et par le gouvernement actuel qui profite de cet imbroglio pour solder ses comptes avec les médias qui lui sont critiques” dénonce Virginie Dangles, adjointe à la direction de la Recherche à Reporters sans frontières. “
En ces temps de troubles politiques et sécuritaires, il est essentiel que l’Etat garantisse la sécurité des journalistes afin qu’ils puissent exercer leur fonction en toute liberté”
Plusieurs syndicats de journalistes et organisations de défense du droit de l’information ont condamné unanimement cette agression. Parmi eux,
le syndicat national des journalistes irakiens qui rappelle que “ depuis trois ans les agressions de ce type n’ont fait l’objet d’aucune enquête de la part de la police irakienne et leurs responsables demeurent impunis jusqu’à ce jour”.
De son côté, le ministère de l’Intérieur irakien, par le biais du procureur, a affirmé avoir diligenté une
enquête pour déterminer les circonstances exactes de cette attaque.
Dans ce climat délétère, des institutions officielles prennent également part à la surenchère qui vise à stigmatiser les médias kurdes. Ainsi, la Commission des communications et de l’information (CMC) a évoqué lors d’une rencontre avec des journalistes, le 14 juillet, la possibilité de
fermer certaines agences d’information et organes de presse susceptibles de nourrir un discours “incitant à la violence sectaire”, en soutenant notamment des groupes terroristes affiliés à ISIS. Dans ses discussions, la Commission des communications et de l’information a également
affirmé que la plupart des médias visés par ces accusations, profiteraient de financements kurdes.
Créée en 2003, cette
commission a officiellement pour mandat de réguler le secteur des médias, mais est, en réalité, sous la tutelle du Premier ministre irakien qui nomme son directeur.
Ces attaques contre les médias kurdes, et plus généralement irakiens, ne cessent de prendre de l’ampleur depuis l’offensive terroriste sans précédent à laquelle doit faire face le pays. Le 13 juillet,
Maitham Al-Chibani et
Maitham Al-Khafaji, respectivement correspondant et photographe de la chaîne
Al-Hurra Iraq TV, ont été
blessés alors qu’ils
couvraient des affrontements opposant les forces armées irakiennes et des combattants du groupe armé d’ISIS, à Jurf Al Sakhar, dans la province de Babel (60 km au au sud-ouest de Bagdad). Ils ont tous deux été transportés à l’hôpital.