Un projet de loi déposé, le 16 juillet 2014, par le procureur général australien, George Brandis, rend intouchable l’Australian Security Intelligence Organisation (ASIO), l’agence de renseignement australienne. Parmi la multitude de mesures visant à protéger l’agence, une interdiction absolue de dévoiler des informations concernant ses “opérations spéciales” sous peine d’emprisonnement.
La protection des intérêts de la Nation se fait de plus en plus au détriment de celle de l’intérêt public. Le projet de loi déposé par le procureur général australien, George Brandis, le 16 juillet dernier, porte dangereusement atteinte à la liberté de l’information tout en s’inscrivant en contradiction directe avec les traités internationaux auxquels l’Australie est partie.
Le projet de loi, intitulé “National Security Legislation Amendment Bill”, prévoit en effet de créer une nouvelle infraction, passible de cinq ans d’emprisonnement pour “quiconque” révélerait des informations non autorisées relatives aux “opérations spéciales de renseignement”. La peine peut atteindre dix ans d’emprisonnement si les informations révélées “mettent en danger la santé ou la sécurité de toute personne ou portent atteinte à la conduite efficace d’une opération des renseignements spéciaux”. Des violations des droits de l’homme pourraient être aisément dissimulées par l’ASIO, d’autant plus que la classification en “opération spéciale de renseignement”, notion extrêmement large, ne nécessiterait que l’accord du directeur général de la sécurité, ou de son adjoint. Enfin, les capacités de surveillance de l’agence de renseignement se voient également renforcées.
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Parce qu’il est dangereusement vague et parce qu’il ne prend aucunement en compte le travail journalistique ni l'intérêt général du public, ce projet de loi représente une menace pour la liberté de l’information et s’inscrit en violation des standards internationaux. Les lanceurs d’alerte ne devraient pas être menacés de la sorte quand ils effectuent un travail d’information extrêmement important pour leurs concitoyens, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
Nous appelons le législateur à abandonner ce projet de loi, beaucoup trop restrictif pour être convenablement amendé. »
Le paragraphe 35P, intitulé « Révélation non-autorisée d’informations » précise qu’ « une personne commet une délit si : (a) la personne révèle des informations; et (b) ces informations sont en lien avec des opérations spéciales des services de renseignement ». La peine applicable est de cinq ans d’emprisonnement.
Si l’article 19 du pacte international relatif aux libertés civiles et politiques, auquel l’Australie est partie, admet “la sécurité nationale” comme motif légitime pour restreindre la liberté de l’information, les observations générales 34 du Comité des droits de l’homme sur l’article 19 indiquent en revanche que ces restrictions doivent être étroitement encadrées, exceptionnelles, précises et justifiées. La loi ne saurait systématiser un lien entre “sécurité nationale et « opérations spéciales de renseignement ». Il appartient au gouvernement de démontrer devant la Justice, à chaque fois qu’il la saisira, que ces opérations relèvent de la « sécurité nationale » et que la diffusion d’informations les concernant porte atteinte à la sécurité nationale.
Eviter tout nouvel Edward Snowden
La présentation de ce projet de loi semble avoir pour objectif d’éviter qu’un Edward Snowden australien ne se manifeste. Suite aux révélations du lanceur d’alerte sur les écoutes de la NSA, l’Australian Broadcasting Corporation (ABC) avait publié certains documents fuités par ce dernier, prouvant que les services de renseignement australiens avaient placé sur écoute des leaders indonésiens, et notamment le président Susilo Bambang Yudohoyono. Cette publication avait conduit à un incident diplomatique entre les deux pays, et une vive critique du gouvernement à l’encontre du lanceur d’alerte et des médias diffusant ses informations.
Le Premier ministre Tony Abbott avait vivement critiqué ABC. La chaîne essuie régulièrement les invectives du Premier ministre. En janvier dernier, après la publication d’articles portant sur des abus commis par la marine australienne contre des demandeurs d’asile, Tony Abbott avait pris à partie déclaré que “les informations qui mettent en danger la sécurité de notre pays ne devraient pas être bonnes à être publiées”.
L’Australie se positionne à la 28e place sur 180 pays dans le
Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.