Reporters sans frontières se félicite de la décision du sénateur fédéral Expedito Júnior de retirer, le 4 mars 2008, sa proposition de loi aggravant les peines de prison pour les “atteintes à l'honneur” commises sur Internet. Invoquant son attachement à la liberté de la presse, le sénateur a préféré éviter tout risque d'entrave à cette liberté fondamentale.
Reporters sans frontières accueille avec satisfaction la décision du sénateur Expedito Júnior de retirer sa proposition de loi, présentée en décembre 2007, qui prévoyait une réforme du code pénal aggravant les peines de prison pour les délits de presse commis sur Internet. Dans une lettre adressée au quotidien O Estado de São Paulo, le sénateur fédéral de Rondônia (Ouest) a réaffirmé son attachement à la liberté de la presse.
“Les bonnes intentions ne font pas forcément de bonnes lois. Le sénateur Expédito Júnior a eu raison de s'indigner d'un usage dévoyé d'Internet, par lequel des internautes sans scrupule salissent la réputation d'autres personnes, se livrent à l'incitation à la haine raciale et homophobe ou encouragent la pédophilie. Nous ne doutons pas de l'attachement du parlementaire à la liberté de la presse et sa décision en témoigne. Nous restons cependant convaincus que cette liberté aurait pu subir des entraves si sa proposition de loi avait été votée. Elle allait, en plus, à l'encontre du processus de dépénalisation des délits de presse engagé avec la suspension partielle par le Tribunal suprême fédéral de la loi sur la presse de 1967. Cet héritage de la dictature militaire pourrait enfin disparaître avec l'adoption de l'avant-projet de loi du député Miro Teixeira”, a déclaré Reporters sans frontières.
Dans une lettre ouverte publiée dans l'édition du 4 mars d'O Estado de São Paulo, le sénateur Expédito Júnior a expliqué que l'objectif de sa proposition de loi était d'empêcher la prolifération sur Internet de blogs et de sites uniquement destinés à “attaquer l'honneur d'autrui”. Le parlementaire a néanmoins reconnu que la polémique soulevée par son texte l'avait convaincu des risques d'“interprétations erronées”.
La proposition déposée par Expedito Júnior au Sénat prévoyait d'augmenter d'un tiers les peines de prison pour les internautes reconnus coupables d'“atteintes à l'honneur”. Le texte du sénateur envisageait également de faciliter à la police l'obtention de preuves, en lui donnant le pouvoir d'imprimer les textes en ligne incriminés pour les produire devant la justice comme pièces à conviction. La polémique autour de la proposition de loi avait amené Expedito Júnior à demander la tenue d'une audience publique devant le Sénat. Une requête alors refusée par le rapporteur du texte, le sénateur Eduardo Azeredo.
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1er.02.08 - Le sénateur Expedito Júnior répond à Reporters sans frontières, concernant sa proposition de loi sur les “atteintes à l'honneur” en ligne
Le cabinet du sénateur fédéral Expedito Júnior a répondu par écrit à Reporters sans frontières, le 1er février 2008, après que l'organisation avait vivement critiqué sa proposition de loi, en cours d'examen au Sénat, qui prévoit de durcir les peines pour les délits de presse commis sur Internet et de faciliter l'obtention de preuves par la police.
“Nous saluons tout d'abord la volonté de dialogue manifestée par le sénateur Expedito Júnior dans la lettre qui nous a été adressée et nous sommes prêts à intervenir lors de la consultation qu'il souhaite organiser à Brasilia. Nous demeurons cependant dubitatifs quant au principe et à l'efficacité des mesures qu'il propose. La récente affaire Orkut est évidemment un scandale. L'injure à caractère raciste ou homophobe, ou l'incitation à la pédophilie ne relèvent certes pas de l'information ou de la ‘simple opinion'. Qu'un internaute s'abrite commodément derrière un pseudonyme pour calomnier autrui est également condamnable. Cependant, outre qu'il est techniquement impossible d'obliger tout internaute à signer ses propos, il est moralement et juridiquement contestable de fixer une norme définitive qui pourrait se retourner contre toute opinion défavorable. Nous rappelons à cet égard au sénateur les multiples mesures de censure préventive infligées à des publications ou à des sites brésiliens, quand un homme politique ou un fonctionnaire s'estime ‘atteint dans son honneur'. Nous préférons, il est vrai, l'amende civile à la peine de prison, exagérée pour une attaque verbale et symbole de régimes sans égards pour la liberté d'expression, comme le fut la dictature militaire au Brésil. C'est pourquoi nous soutenons la dépénalisation proposée par le député Miro Teixeira”, a déclaré Reporters sans frontières.
Dans la lettre adressée à l'organisation, le sénateur manifeste d'emblée son attachement à la liberté d'information, garantie par la Constitution de 1988 et “sans laquelle la démocratie est impossible”. Le sénateur Expedito Júnior affirme que son texte ne porte pas atteinte à la liberté de la presse et a pour but d'éviter “la prolifération de réseaux sociaux, blogs et sites créés dans le seul but d'attenter à l'honneur des gens”. En l'état actuel, l'impossibilité d'identifier les auteurs de ces délits ne permettrait pas aux personnes s'estimant offensées de porter plainte. Selon le parlementaire, “les crimes d'injure, de calomnie et de diffamation pratiqués sur Internet prennent des proportions encore plus graves”, à cause de l'envergure mondiale du public potentiel et de la quasi-impossibilité d'obtenir des preuves tangibles pour ces types de délits. L'initiative du sénateur de Rondônia (Ouest) constitue, selon lui, une offre de réponse au récent scandale provoqué par des commentaires racistes, homophobes et pédophiles postés sur le site Orkut.
Par ailleurs, Expedito Júnior précise que le deuxième point controversé de sa proposition, qui prévoit que la police puisse obtenir des preuves en ligne sans autorisation judiciaire, signifie seulement que les textes imprimés par la police pendant l'enquête puissent servir de pièces à conviction devant un tribunal.
De l'avis du sénateur, la réforme du code pénal prévue dans son projet de loi aurait, par le durcissement des peines, un effet dissuasif, en permettant également, par le biais de l'impression des preuves au moment de la plainte, de lutter contre l'impunité. Expedito Júnior reconnaît néanmoins que la polémique autour de sa proposition mérite plus de discussion publique, et va demander au rapporteur du projet la tenue d'une audience devant le Sénat pour entendre les opinions de tous les intéressés.
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30.01.08 - Le Sénat discute d'un durcissement des peines contre les délits de presse en ligne, quand la Chambre des députés envisage une dépénalisation générale
Reporters sans frontières juge dangereuse la proposition de loi du sénateur Expedito Júnior, qui prévoit d'augmenter d'un tiers les peines de prison prévues pour les délits de presse (“diffamation”, “injure”, “calomnie” ) commis sur Internet. Le texte, déposé en décembre 2007, est actuellement en cours d'examen au sein de la commission spécialisée de la Chambre haute. Son vote en séance plénière pourrait intervenir en février 2008.
“Comment expliquer le dépôt au Sénat d'une proposition de loi durcissant les sanctions pénales contre les délits de presse, alors qu'une autre, déposée à la Chambre des députés (lire le communiqué du 16 janvier 2008), prévoit au contraire la suppression des peines de prison pour ces mêmes délits ? Cette proposition est dangereuse et totalement inopportune. On voit d'ailleurs mal comment le Congrès pourrait voter une chose et son contraire”, a déclaré Reporters sans frontières.
La réforme du code pénal introduite par le sénateur Expedito Júnior alourdit d'un tiers les peines de prison actuellement prévues pour les délits de “calomnie” (comprises, selon le nouveau texte, entre six mois et deux ans de prison, en plus d'une amende), de “diffamation” (entre trois mois et un an) et d'“injure” (entre un an et six mois) commis en ligne. L'actuel code pénal prévoit déjà une aggravation des peines lorsque la victime est une personne âgée ou handicapée, appartient à un gouvernement (national ou étranger) ou occupe une charge publique. La proposition d'Expedito Júnior permettrait à la police d'accéder aux informations confidentielles d'un site sans autorisation judiciaire. Aux yeux du sénateur, “celui qui accuse quelqu'un sans s'identifier mérite une sanction plus sévère”. Il a également défendu son texte en arguant de la prolifération des sites créés par de “pseudo-journalistes” dans l'unique but “d'offenser et de détruire des réputations”.
Cette réforme du code pénal doit recevoir l'aval de la Commission des sciences, technologies, innovations, communication et informatique du Sénat, qui l'examine actuellement. Le texte doit ensuite être soumis à l'approbation du Sénat en séance plénière. Le débat et le vote devraient intervenir en février 2008. L'entrée en vigueur du texte demeure cependant conditionnée à l'assentiment de la Commission de Constitution et Justice de la présidence de la République.
Au moment où Expedito Júnior a présenté son texte au Sénat, en décembre 2007, le député Miro Teixeira a déposé le sien à la Chambre basse. Aucun calendrier n'a encore été arrêté pour cet avant-projet de loi qui mettrait un terme à l'application de la loi sur la presse du 9 février 1967 - héritée de la dictature militaire - en supprimant les peines de prison pour ces mêmes types d'“atteinte à l'honneur” et en élargissant la définition de journaliste à toute personne faisant œuvre d'informer, y compris sur Internet.