Le Parlement indonésien interdit aux journalistes d’enquêter sur ses membres
Une loi menace de poursuites judiciaires toute personne “manquant de respect” aux membres du Parlement indonésien, y compris les journalistes. Reporters sans frontières (RSF) appelle la Cour constitutionnelle de l’Indonésie à rejeter un article de cette loi qui viole clairement la liberté de la presse du pays.
En Indonésie, les journalistes pourront désormais être envoyés en prison pour avoir “manqué de respect” aux membres du Parlement. La nouvelle loi sur le pouvoir législatif, plus communément appelée la loi MD3, est entrée automatiquement en vigueur jeudi 15 mars, un mois après le refus du président Jokowi de signer le texte par souci de “respect de l’ordre public” - refus qui n’a du reste pas valeur de veto. C’est l’article 122 qui inquiète fortement journalistes et défenseurs de la liberté d’informer : il rend passible de poursuites pénales toute “critique” ou “manque de respect” contre le Parlement et ses représentants.
“Mal pensé et mal formulé, ce texte rend désormais impossible le traitement indépendant des questions parlementaires par le quatrième pouvoir, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Il porte en lui une atteinte grave à la Constitution du pays et au principe de séparation des pouvoirs. Nous appelons la Cour constitutionnelle à censurer au plus vite cet article, qui représente une réelle menace pour la liberté de la presse dans le pays.”
RSF relaie la démarche des organisations de la société civile indonésienne qui ont déjà saisi la juridiction suprême le jour même de l’entrée en vigueur de la loi.
Cette législation inquiète d’autant plus que sa formulation vague permet au Parlement de punir de manière parfaitement arbitraire les journalistes qui, dans leurs articles, “manqueraient de respect” envers les élus - sachant qu’aucune définition claire du “manque de respect” n’a été précisée. Les parlementaires pourront se prévaloir de cette disposition pour empêcher la publication d’enquêtes journalistiques qui porteraient par exemple sur la corruption endémique du système politique indonésien : au moins huit parlementaires, dont le président de la Chambre, ont été arrêtés pour corruption ces dernières années.
L’entrée en vigueur de cette loi s’inscrit dans un contexte de raidissement du cadre législatif indonésien en matière de liberté de la presse, pourtant garantie par la Constitution indonésienne amendée en 2002. Une révision du code pénal, actuellement en cours, pourrait également criminaliser le travail des journalistes qui critiquent le président et le vice-président indonésiens.
L’Indonésie occupe la 124ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2017.