Le harcèlement contre Le Matin se poursuit

Reporters sans frontières condamne fermement les décisions du tribunal d'Alger, les 19 et 20 avril 2005, condamnant cinq journalistes du quotidien privé Le Matin à des peines de prison ferme et refusant la remise en liberté de son directeur, Mohamed Benchicou, pour raisons de santé.


Mohamed Benchicou
"L'acharnement judiciaire se poursuit à l'encontre de Mohamed Benchicou et de ses collaborateurs du journal Le Matin, a déclaré Reporters sans frontières. Nous réitérons une fois de plus notre demande de remise en liberté du journaliste détenu depuis maintenant dix mois, d'autant plus que son état de santé s'est gravement détérioré, selon ses proches. Nous ne comprenons pas pourquoi les autorités judiciaires ont refusé d'accéder à la requête du médecin de la prison qui avait demandé le transfert du directeur du Matin à l'hôpital. Nous demandons que les autorités pénitentiaires permettent au moins au journaliste d'être examiné par un médecin choisi par la famille." "En condamnant cinq journalistes à des peines de prison, l'Etat algérien prouve sa détermination à poursuivre la répression à l'encontre des médias, faisant de ce pays l'un des plus difficiles pour l'exercice de la profession en Afrique. Nous appelons la justice algérienne à la raison et à la modération. Les juges doivent cesser de jouer le jeu de tous ceux qui cherchent à museler la presse indépendante. Les amendements au code pénal de 2001, qui prévoient des peines de prison pour diffamation ou outrage, doivent être définitivement supprimés," a conclu l'organisation.

Abla Cherif
Les journalistes Abla Cherif et Hassane Zerrouky ont été condamnés à deux mois de prison ferme sur plainte de Mohamed Ali Shorafa, homme d'affaires émirati et ami du président Abdelaziz Bouteflika, suite à la publication, en 2002, d'articles et de documents le mettant en cause dans des affaires de malversations financières. Le journal dévoilait comment la société Orascom, dont il est actionnaire, s'était octroyée le marché de la téléphonie mobile en Algérie.

Hassane Zerrouky
Youcef Rezzoug et Yasmine Ferroukhi ont, quant à eux, été condamnés à trois mois de prison ferme pour diffamation à l'encontre de Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines. Il avait porté plainte après la publication d'articles qui accusaient le pouvoir, à travers la compagnie pétrolière Sonatrach, d'utiliser de l'argent public pour l'achat d'appartements de haut standing, destinés à des proches du chef de l'Etat. Les avocats du Matin devraient faire appel. Les journalistes restent en liberté en attendant une décision de la cour d'appel.

Youcef Rezzoug
Mohamed Benchicou, qui purge une peine de deux ans de prison ferme depuis le 14 juin 2004, a été condamné aux mêmes peines dans ces deux affaires. Sa demande de remise en liberté pour raisons de santé a été refusée par la justice le 20 avril 2005. Le journaliste avait été condamné pour "infraction à la loi régissant le contrôle des changes et les mouvements de capitaux", sous prétexte de la découverte dans ses bagages, à son retour de Paris, en août 2003, de bons de caisse anonymes, propriété du journal. Le directeur du journal Le Matin est au cœur d'une saga judiciaire depuis plusieurs mois. Il fait l'objet de multiples plaintes en diffamation. Lors de l'élection présidentielle d'avril 2004, le quotidien Le Matin avait fait campagne contre le président-candidat Bouteflika. En février 2004, Mohamed Benchicou avait publié un pamphlet à l'encontre du Président, intitulé « Bouteflika, une imposture algérienne » et vendu à 40 000 exemplaires en Algérie.
Publié le
Updated on 20.01.2016