Le gouvernement cambodgien censure trois portails d’information en ligne
Les trois sites Internet sont accusés par le ministère de l'Information d’avoir violé la déontologie journalistique, après avoir publié des articles sur des cas de corruption. Compte tenu du non-respect de la procédure par le gouvernement et de l’inconsistance des accusations portées contre les trois médias, Reporters sans frontières (RSF) exige le rétablissement immédiat de leur autorisation de publier.
Leurs rédactions ont été placées devant le fait accompli, sans avertissement préalable ni recours possible. C’est par une simple lettre, publiée le 15 mars par le ministère de l’Information, que les directions des sites d’information Bayong Times, Kkmer Cover TV (KCTV) et Cambodia Today ont appris que leur licence a été révoquée. Le gouvernement a justifié cette décision en arguant que les trois médias indépendants auraient violé "l'éthique journalistique”, ainsi que les contrats qui les lient au ministère.
Mais, en fait de non-respect de la déontologie, ces sites ont en commun d'avoir récemment publié des enquêtes sur la corruption galopante qui touche les élites politico-économiques au Cambodge.
Interrogé par RSF, le rédacteur en chef de Cambodia Today, Touch Yuthea, soupçonne qu’il y ait, derrière cette annulation de licence, “la décision personnelle de hauts-fonctionnaires qui ont en charge le dossier des licences de médias”. Ils auraient agi après la publication, début février, d’un article consacré à des appels d'offres frauduleux réalisés par le ministère du Travail.
Intimidation
“La décision d’annuler les licences du Bayong Times, de Cambodia Today et de la KCTV est une grossière violation de la liberté de publication telle qu’elle est énoncée par l’article 41 de la Constitution du royaume du Cambodge, souligne le directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Il s’agit d’un cas d’intimidation éhontée, et nous appelons le gouvernement à rétablir immédiatement les autorisations de publication des trois médias. La liberté de la presse ne doit pas être la victime collatérale des agissements de quelques fonctionnaires corrompus.”
Le directeur de la publication du Bayong Times, Tel Samuth, a partagé ses craintes auprès de RSF, selon lesquelles “cette annulation de quelques organes de presse ne sert qu'à effrayer les autres médias afin qu’il ne publient plus la vérité”. Il estime que le ministère de l’information a outrepassé les procédures conventionnelles, selon lesquelles il doit émettre au moins deux avertissements et engager des négociations avant d’annuler la licence d’un média - comme le prévoit, du reste, l’article 10 de la loi sur la presse.
Contacté par RSF, le bureau du ministre de l’information, Khieu Kanharith, s’est refusé à tout commentaire. Les directeurs de la publication des trois médias auraient, pour leur part, été simplement invités par le ministère à “corriger” leurs articles et à supprimer certains contenus afin de retrouver leur licence.
En octobre dernier, RSF a dénoncé les abus de pouvoir du ministre de la Défense qui avait, déjà, ordonné à des fonctionnaires de “punir” le journaliste Youn Chhiv pour avoir publié une enquête sur des expropriations illégales. Ce dernier a été condamné à un an de prison à peine deux jours après son arrestation.
Le gouvernement du Premier ministre Hun Sen, s’est lancé depuis 2017 dans une guerre impitoyable contre la presse libre afin de garder le pouvoir. RSF avait dénoncé cette dérive dans un rapport publié début 2018.
Le Cambodge se situe à la 144e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.