La répression s’accentue encore et le pays devient la première prison du monde pour les journalistes

La République islamique d’Iran occupe désormais, avec la Chine, le rang de première prison du monde pour les journalistes. La répression s’est encore accentuée à l’issue de la confirmation par le Guide Suprême Ali Khamenei, le 19 juin 2009, du résultat de l’élection présidentielle du 12 juin, et en marge de la manifestation convoquée, le 20 juin, par l’opposition. Le pays compte trente-trois journalistes et cyberdissidents emprisonnés. Le procureur de Téhéran, Saïd Mortazavi, a convoqué par téléphone les journalistes qui n’ont pas été localisés à leur domicile. “La violence des manifestations à Téhéran fait craindre a tout moment de nouvelles arrestations de journalistes iraniens et d’autres expulsions de confrères étrangers. Le régime, profondément ébranlé par sa propre population, ne peut tolérer d’être ainsi perçu. C’est pourquoi il s’attaque en priorité à la presse. La communauté internationale ne peut plus ignorer la situation. Sa réaction, claire et unanime, doit être à la mesure d’un événement de cette gravité. Il ne sera jamais question de reconnaître le résultat de la présidentielle du 12 juin”, a rappelé Reporters sans frontières, qui a écrit en ce sens aux chefs d’État et de gouvernement des 27 pays de l’Union européenne. Mohammad Ghochani, rédacteur en chef du quotidien Etemad Meli, propriété de Mehdi Karoubi, l’un des candidats d’opposition à Mahmoud Ahamadinejad, a été arrêté à Téhéran, le 18 juin à deux heures du matin. Des fonctionnaires du ministère du Renseignement l’ont transféré vers un lieu non précisé, vraisemblablement la section de sécurité de la prison d’Evin. La parution des quotidiens Shargh et Hammihan ainsi que de l’hebdomadaire Saharvand emroz, dont il était également rédacteur en chef, avait déjà été suspendue. Reporters sans frontières a également eu connaissance de l’arrestation, le 14 juin à son domicile de la capitale, de Shiva Nazar Ahari, cyberdissidente et activiste des droit de l’homme (voir son blog : http://azadiezan.blogspot.com). Le 20 juin à minuit, le domicile de Bahaman Ahamadi Amoee et son épouse Jila Baniyaghoob, à Téhéran, a fait l’objet d’une perquisition d’agents en civil du ministère du Renseignement. Le couple de journalistes a été aussitôt arrêté et transféré vers un lieu non précisé, vraisemblablement la section de sécurité de la prison d’Evin. Lauréate en 2009 du Prix du Courage en journalisme, décerné par la International Women’s Media Foundation, Jila Baniyaghoob dirige un site d’informations de tendance féministe, Canon Zeman Irani (http://irwomen.net). Son mari, Bahaman Ahamadi Amoee, collabore à plusieurs publications proches du courant réformateur. Reporters sans frontières a également eu confirmation de l’arrestation d’Ali Mazroui, le président de l’Association des journalistes iraniens, dans la matinée du 20 juin. Enfin, la BBC a confirmé, dans l’après-midi du 21 juin, que son correspondant à Téhéran, Jon Leyne, avait reçu l’ordre de quitter le pays dans les vingt-quatre heures. Le journaliste est accusé de “soutien aux émeutiers” par les autorités, pour qui la Grande-Bretagne "comploterait" contre l’Iran. Les journalistes et activistes emprisonnés à la prison d’Evin subissent d’importantes pressions de la part des autorités pour faire des “aveux” filmés, au titre de leur “participation à une révolution de velours”. Nombreux sont les cas de tortures signalés à Reporters sans frontières. La radio-télévision d’État s’est par ailleurs employée à attribuer de fausses informations aux candidats d’opposition, notamment l’annulation de la manifestation du 20 juin. La pression s’exerce également sur les agences de presse étrangères pour que leurs correspondants ne relayent aucun fait rapporté par l’opposition. Quelques heures après la discours du 19 juin  de l’ayatollah Ali Khamenei  confirmant la “victoire“ de Mahmoud Ahmadinedjad et interdisant toute manifestation, plusieurs  vidéo circulant sur Internet ont montré des individus perchés sur des toits et scandant “Allah Akbar !”  (voir la vidéo d’une blogueuse iranienne : http://www.youtube.com/watch?v=yZfmYq7O0WU). Le site d’informations Entekhab (//www.entekhabnews.com/), filtré dès le 11 juin, a été fermé sur ordre du procureur du Téhéran. Au moins vingt-trois journalistes ont déjà été arrêtés depuis le 12 juin (liste ci-dessous). Nombreux sont ceux dont Reporters sans frontières a perdu la trace. Dans le meilleur des cas, ils se sont mis à l’abri. Au pire, ils sont déjà sous les verrous, rejoignant leurs confrères détenus de longue date. Avant le scrutin présidentiel, l’Iran avait déjà la triste réputation de plus grande prison du Moyen-Orient pour les journalistes et cyberdissidents.   Les vingt-trois journalistes arrêtés depuis le 14 juin 2009 Le 14 juin 2009 : - la cyberdissidente Somaieh Tohidlou (http://smto.ir) - Ahmad Zeydabadi, - Kivan Samimi Behbani, - Abdolreza Tajik, - Mahssa Amrabadi, - Behzad Basho, le caricaturiste - Khalil Mir Asharafi, réalisateur à la télévision iranienne - Karim Arghandeh, journaliste pour les journaux réformateurs Salam, Vaghieh etafaghieh, et blogueur (http://www.futurama.ir/) a été arrêté à son domicile de Téhéran. -      La cyberdissidente Shiva Nazar Ahari ( http://azadiezan.blogspot.com) Le 15 juin 2009 : - Mohamad Atryanfar, directeur de plusieurs publications comme Hamshary, Shargh, Shahrvand Emrouz, aurait été transféré à la section de sécurité de la prison d’Evin. - Saïd Hajarian, ancien directeur du journal Sobh-e-Emrouz, a été arrêté par les forces de l’ordre dans la nuit du 15 au 16 juin à son domicile de Téhéran, alors même qu’il est handicapé. - Mojtaba Pormohssen, journaliste pour plusieurs journaux réformateurs, collaborateur à la radio Zamaneh et rédacteur en chef du journal Gylan Emroz, a été arrêté à Rashat (nord du pays). Le 16 juin : - Mohammad Ali Abtahi, surnommé “Mollah blogueur“, a été arrêté à son domicile de Téhéran. Son blog : http://www.webneveshteha.com/. - Mme Hamideh Mahhozi, arrêtée à Bushehr (sud de l’Iran) - Amanolah Shojai, journaliste et blogueur, arrêté à Bushehr - Hossin Shkohi, journaliste à l’hebdomadaire Paygam Jonob, arrêté à Bushehr - Mashalah Hidarzadeh, arrêté à Bushehr Le 17 juin : - Saide Lylaz, journaliste au journal Sarmayeh, a été arrêté à son domicile de la capitale. Ce spécialiste des questions économiques s’est montré très critique envers la politique d’Ahmadinejad. - Rohollah Shassavar, journaliste de la ville de Mashad, est détenu depuis la même date. Le 18 juin : -       Mohammad Ghochani, rédacteur en chef du quotidien Etemad Meli. Le 20 juin : - Jila Baniyaghoob, directrice du site d’informations Canon Zeman Irani (http://irwomen.net), - Bahaman Ahamadi Amoee, - Ali Mazroui, président de l’Association des journalistes iraniens.
Publié le
Updated on 20.01.2016