La mise en scène dérisoire de Viktor Orban en réponse à sa qualification de “Prédateur de la liberté de la presse” par RSF
Le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) répond aux insinuations du Premier ministre hongrois, à la suite de la parution de l’édition 2021 de la galerie des prédateurs de la liberté de la presse de RSF.
Dans une vidéo diffusée le 7 juillet sur les comptes Facebook et Twitter du gouvernement hongrois, le Premier ministre Viktor Orban, réagit à la publication début juillet de la nouvelle liste des prédateurs de la liberté de la presse, dans laquelle il figure, comme seul représentant européen. Dans ce montage d’un peu plus d’une minute, le chef du gouvernement hongrois déclare : “Je suis venu ici, parce qu’ils ont mis la Hongrie sur une sorte de liste des ennemis de la liberté de la presse.” En s’adressant à un vendeur de journaux, il fait référence à une “organisation qui appartient à oncle George Soros”, ce milliardaire philanthrope américain d’origine hongroise qu’il tient habituellement coupable de tous les maux de la Hongrie.
Dans cette conversation d’apparence improvisée devant un kiosque à journaux, Viktor Orban demande au vendeur combien d’exemplaires de titres “critiques de son gouvernement” ont été vendus. Le vendeur lui remet alors plusieurs hebdomadaires, dont HVG, 168 Ora et Magyar Narancs, en précisant que ces médias indépendants “n’ont pas été touchés (par ses clients) depuis des semaines”. La vidéo se termine sur une remarque du Premier ministre ironisant que tous ces journaux démontrent “dans quel mauvais état la liberté de la presse est en Hongrie”. Le Premier ministre hongrois pousse l’ironie mordante jusqu’à acheter un exemplaire du quotidien indépendant Népszava, qui a récemment été condamné à une amende et a été contraint de s’excuser pour une caricature critique de la gestion gouvernementale de la pandémie de Covid-19.
“Vous pouvez toujours plaisanter et mettre en scène votre réponse de manière dérisoire, monsieur le Premier ministre, mais votre politique de répression du journalisme est désormais prise très au sérieux dans les capitales européennes et au-delà !, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. L’ironie ou la dérision ne vous suffiront pas pour faire oublier l’ampleur de la destruction des médias indépendants en Hongrie et le coût élevé pour l’image du pays. Pour le reste, je vous assure que RSF est une organisation indépendante qui ne cessera, conformément à ses valeurs, de soutenir la liberté de la presse dans le monde.”
L’édition 2021 des prédateurs de la liberté de la presse de RSF regroupe 37 chefs d’État ou de gouvernement qui imposent une répression massive, via la mise en place d’appareils de censure, de l’incarcération arbitraire de journalistes, d’incitation à la violence contre ces derniers, quand ils n’ont pas du sang de journalistes sur les mains pour avoir directement ou indirectement poussé à leur assassinat. Le “mode de prédation” de Viktor Orban se caractérise par des combines politico-économiques, une décrédibilisation des médias et un climat qui pousse les journalistes à l’autocensure. Grâce aux manœuvres politico-économiques et au rachat des médias par les oligarques proches du parti au pouvoir, le Fidesz contrôle désormais 80 % du paysage médiatique, avec en tête la fondation Kesma qui, à elle seule, regroupe près de 500 médias. Les titres indépendants restants sont discriminés dans la distribution de la publicité d’Etat et dans l’accès aux informations détenues par les institutions, alors que leurs journalistes font l’objet de campagnes de discrédit.
Depuis le retour de Viktor Orban au pouvoir en 2010, la Hongrie a perdu 69 places au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, figurant aujourd’hui au 92e rang sur 180.