La justice marocaine donne raison à la “mafia du cèdre”
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Reporters sans frontières déplore vivement la décision de la cour d’appel de Meknès, le 3 décembre 2013, de condamner Mohamed Attaoui, citoyen-journaliste militant de l’Atlas oriental marocain, à un an de prison ferme et à 10 000 dirhams (environ 890 euros) au titre de dommages au profit du demandeur, fonctionnaire de l’Administration des Eaux et Forêts.
“Ce verdict illustre parfaitement la collusion entre les potentats locaux et les juges ainsi que le manque d’indépendance de la justice marocaine, malgré les promesses de réformes annoncées depuis des années par les autorités. Le procès de Monsieur Attaoui devant la cour d’appel a enfreint non seulement les dispositions prévues par la législation marocaine, mais également les normes internationales en matière de procès équitable. Nous demandons au Procureur général d’examiner réellement les requêtes introduites par ses défenseurs, et de revenir sur sa décision de condamner Mohamed Attaoui”, a déclaré l’organisation.
En mars 2010, Mohamed Attaoui, alors correspondant du quotidien arabophone Al-Monataf et président de l’Association Avenir pour le cèdre et le mouflon et fonctionnaire de la commune rurale de Tounfite, avait été condamné à deux ans de prison ferme en première instance par le tribunal de Midelt (Atlas oriental, au sud-est de Rabat), officiellement pour avoir extorqué la somme de 1 000 dirhams (environ 90 euros) - dossier 2080/2010.
Reporters sans frontières avait alors dénoncé cette affaire montée de toutes pièces afin d’empêcher Mohamed Attaoui, citoyen-journaliste actif dans la défense des droits économiques et environnementaux dans une région dont les richesses sont spoliées au dépend de ses habitants, de poursuivre ses investigations sur “la mafia du cèdre” dans sa région. Ce cas avait également été mentionné dans un rapport d’enquête publié en juin 2010 (Des enquêtes à hauts risques, déforestation et pollutions).
Le 22 mars 2010, Mohamed Attaoui avait déposé une plainte pour “rapt et séquestration” et “contrefaçon de documents officiels” contre un fonctionnaire des Eaux et forêts et trois gendarmes auprès du Procureur général à la Cour d’appel de Meknès. Malgré l’existence de témoins et d’éléments circonstanciés, la plainte avait été classée sans suite le 24 juin 2010. Dans un courrier adressé le 10 octobre 2012 au ministre de la Justice, Mustafa Ramid, et resté sans réponse, Reporters sans frontières avait souligné que les tentatives de réactiver la plainte avaient été vouées à l’échec. L’organisation avait également déploré “les actes d’intimidation et la stratégie de réduire au silence ce journaliste, dans l’impunité la plus totale”, contraires aux engagements internationaux du Maroc, et demandé “l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale”.
Après près de vint-cinq reports d’audience, la cour d’appel a tranché. Le 3 décembre 2013, le juge a confirmé le jugement de première instance sur son principe, en retenant les charges d’“extorsion de fonds sous la menace” à l’encontre de Mohamed Attaoui, tout en réduisant la peine.
D’après les informations recueillies par Reporters sans frontières, la procédure devant la cour d’appel n’a pas respecté les règles d’un procès équitable, constituant une atteinte flagrante aux garanties de la procédure pénale. Le tribunal a en effet décidé de mettre l’affaire en délibéré en l'absence de l’avocat de Mohamed Attaoui, et ce malgré une demande expresse de renvoi, le privant ainsi de moyens de défense adéquates. Et la vidéo fournie par Monsieur Attaoui n’a pas été visionnée, et les témoins de la défense n’ont pas été auditionnés.
Contacté par Reporters sans frontières, Mohamed Attaoui a exprimé son intention de se pourvoir en cassation.
En représailles de ces actions dénonçant les abus et les passe-droits de certains potentats locaux, intentées contre le Président de la Commune rurale de Tounfite, Mohamed Attaoui a été suspendu le 1er septembre 2012 de ses fonctions de technicien assermenté agréé par la commune rurale de Tounfite chargé de contrôler les infractions des normes de constructions, sur arrêté du Président de la localité (n°70/2012).
Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Meknès le 31 octobre 2013 par son jugement en annulation 1008/1912/2013, dossier 118/1912/2013.Le Président de la Commune rurale de Tounfite a un mois pour faire appel de cette décision.
Monsieur Attaoui est citoyen-journaliste, actif dans la défense des droits économiques et environnementaux dans une région dont les richesses sont spoliées au dépend de ses habitants.
Publié le
Updated on
20.01.2016