Israël : RSF dénonce la censure indirecte mais très efficace de deux médias de l’Autorité palestinienne
Sur ordre du ministre de la Sécurité nationale, la police israélienne a fermé la société de production qui permettait la diffusion à Jérusalem-Est de la chaîne de télévision et de la radio publique de l'Autorité palestinienne. Sept journalistes ont également été interpellés et interrogés. RSF dénonce une intensification dangereuse des attaques contre les médias palestiniens et demande la levée immédiate des interdictions.
Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, connu pour son extrémisme de droite radicale, a signé le 14 mars une ordonnance interdisant à la société de production Marcel, basée à Jérusalem-Est, de fournir les moyens de diffusion à la chaîne de télévision Palestine TV et la radio La voix de la Palestine, deux médias regroupés au sein de la Palestinian Broadcasting Corporation (PBC) et contrôlés par l'Autorité palestinienne. Dans la foulée, la police israélienne a fermé les bureaux de Marcel, situés dans le quartier de Beit Hanina, ce qui a de fait interrompu la diffusion de Palestine TV à Jérusalem-Est. Le directeur de la société de production, Amir Abbas, ainsi que six de ses employés, les journalistes Layali Eid, Nuhad Hijazi et Lana Kamela, et les photographes Firas Handawi, Yazan Haddad et Walid Kamar, ont été interpellés et interrogés pendant plusieurs heures avant d’être relâchés. Itamar Ben-Gvir, qui s’est vanté de cette opération policière dans un de ses tweets, accuse Palestine TV d’avoir diffusé des “incitations’’ au terrorisme.
“La décision des autorités israéliennes qui prive le radiodiffuseur public palestinien de ses moyens de diffusion s'inscrit dans un contexte de répression croissante des médias palestiniens et revient à censurer indirectement mais très efficacement les médias de l’Autorité palestinienne. Par ailleurs cibler et intimider des journalistes qui ne font que leur travail est inacceptable, l’interdiction d’exercer de la société de production qui affecte de facto la diffusion de Palestine TV et La voix de la Palestine doit être levée immédiatement.”
La société de production Marcel, qui travaille avec les médias de l’Autorité palestinienne depuis plusieurs années, a notamment permis à la PBC de continuer à émettre à Jérusalem-Est malgré une première interdiction imposée par les autorités israéliennes en novembre 2019. L’ordonnance visant Marcel pourra également affecter d’autres médias qui bénéficiaient également de leurs services.
La PBC s’est insurgée contre l’ordonnance signée par Itamar Ben-Gvir, soulignant qu’elle contredit le ‘’mensonge’’ selon lequel “Israël est un État démocratique et respecte le travail des médias, la liberté d'opinion et d'expression.”
La fermeture des bureaux de la société de production Marcel a été rendue possible en vertu d’une loi adoptée en 1995 dans le cadre de la mise en œuvre des accords d'Oslo, qui interdit aux agences de l'Autorité palestinienne de mener des activités dans les limites de la ville de Jérusalem. Des dizaines d’évènements, conférences de presse ou rassemblements culturels, ont ainsi fréquemment été interdits au fil des ans à Jérusalem-Est.
Cette censure de La voix de la Palestine et de Palestine TV à Jérusalem-Est s'ajoute aux attaques incessantes que subissent les journalistes et médias palestiniens de la part de l’État israélien. Depuis l’assasinat filmé de Shireen Abu Akleh en mai 2022, RSF a compilé des preuves audio-visuelles montrant qu’au moins 11 autres journalistes ont été pris pour cible ou agressés par les forces de l’ordre israéliennes en Cisjordanie. Les attaques contres les journalistes hors champs sont innombrables.