WhatsApp, Viber et Tango
“Les services de renseignement poursuivront les gens qui diffusent les propos insultants envers l'ayatollah Khomeyni sur le Net (...). Les messages privés dans Viber et WhatsApp sont contrôlables par la police FETA”,
a déclaré le chef de la cyberpolice iranienne FETA, Kamal Hadifar, le 12 septembre. Les applications WhatsApp, Tango et Viber permettent d'envoyer un message à partir d'un téléphone mobile via le réseau internet à tous les contacts du carnet d'adresse d'un utilisateur. Leurs messages, sujets aux mêmes aléas que toutes données transitant sur Internet (blocage, interception, surveillance), seraient contrôlés par le pouvoir iranien.
Des trois applications utilisées pour relayer les plaisanteries sur le fondateur de la République islamique d'Iran, WhatsApp est la seule à chiffrer le contenu des messages. Des experts en sécurité informatique ont cependant révélé à plusieurs reprises l'existence de
failles de
sécurité dans l'application. Quiconque contrôle le réseau internet (filaire, 3G ou Edge) est en mesure - avec assez d'efforts - d'accéder au contenu des messages. En Iran,
les Gardiens de la révolution contrôlent le principal fournisseur d'accès par l'intermédiaire de la société “Telecommunication Company of Iran” (TCI), et les trois opérateurs mobiles les plus importants dépendent du gouvernement.
Quelques jours après, le 28 septembre, le procureur général de la République islamique, Ebrahim Raissi, a annoncé «l'arrestation des responsables de ces messages d'insultes sur certains réseaux sociaux».
Inquiète de la diffusion massive de ces applications et du faible niveau d'informations sur les risques liés à leur utilisation par des journalistes et net-citoyens, Reporters sans frontières a contacté WhatsApp, Tango et Viber pour obtenir plus de précisions sur les mesures de sécurité déployées par celles-ci. A ce jour, aucune société n'a répondu aux inquiétudes de l'association. Devant l'absence de réponse, RSF déconseille l'utilisation de ces applications pour échanger des informations sensibles.
L'Internet iranien : entre répression et développement
Devant la diffusion virale et massive de ces messages peu flatteurs à l'égard de l’ancien Guide de la révolution, des proches du gouvernement ont évoqué un «complot» et se sont livrés à des déclarations appelant à un contrôle accru du réseau internet en Iran.
L'imam de la ville de Macchhad, proche d'Ali Khamenei,
a accusé le ministre de la Communication d'avoir causé des ravages dans le pays en ayant essayé d'améliorer l'accès au réseau internet : “Le Guide suprême avait ordonné d'éviter Internet haut débit, mais nous savons que sa recommandation a été négligée et tous nos jeunes ont maintenant Internet dans leurs poches, et (...) ça favorise la corruption.*”, a-t-il affirmé.
Plusieurs membres du gouvernement, dont Mahmoud Vaezi, ministre des Communications et des Technologies de l'information, ont évoqué la nécessité de trouver des solutions alternatives aux applications WhatsApp, Viber et Tango. “Tant que nous n'aurons pas un substitut pour ces applications, le gouvernement s'opposera au blocage”,
a-t-il déclaré. Il a précisé que “le gouvernement avait signé un contrat avec trois universités pour un produit cent pour cent interne qui sera prêt dans six mois.”
Depuis l'élection de Hassan Rohani à la présidence de la République islamique d'Iran en juillet 2013, le niveau de contrôle du réseau internet suscite de vifs débats au sommet du pouvoir. Les autorités ont continué à développer les infrastructures internet pour des raisons économiques. D'après
les chiffres officiels, un taux de pénétration Internet de 49,13% et 36 millions d'internautes font de l'Iran l'un des pays les plus connectés de la région. Le gouvernement de Hassan Rohani n'a pas abandonné l'idée de l'instauration d’un 'Internet Halal' (national), mais a tout intérêt à observer une certaine souplesse dans sa mise en oeuvre.
En effet, au cours de l’année dernière (l’année iranienne 1392, de 21 mars 2014 à 21 mars 2014), d'après
les informations publiées par la chambre de commerce de Téhéran, l’importation des matériels informatiques et des téléphones portables en provenance de Chine (2 320 632 968) et des Emirats arabes unis (1 590 540 625) s'élevait à plus trois milliards de dollars. Une centaine de sociétés d'importation de matériels informatiques appartenant pour la plupart aux gardiens de la révolution, bénéficient de ce marché.
L'Iran est classé 173 sur 180 dans le
Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Vingt journalistes et
28 net-citoyens y sont emprisonnés à ce jour.