Inde : le départ contraint de la journaliste française Vanessa Dougnac, révélateur d’une répression accrue contre la liberté de la presse

Empêchée d’exercer son métier et menacée d’expulsion, la journaliste française Vanessa Dougnac rentre en France, après plus de 20 ans en Inde. Reporters sans frontières (RSF) dénonce les procédures des autorités indiennes qui l’ont contrainte à ce départ, des mesures symptomatiques d’une répression toujours plus forte à l’égard des professionnels de l’information.

Collaboratrice de plusieurs médias francophones, dont l’hebdomadaire Le Point et les quotidiens Le Soir, Le Temps et La Croix, la journaliste Vanessa Dougnac se voit contrainte de quitter l’Inde, où elle exerçait son métier de correspondante depuis 2001. Elle rentre en France ce vendredi 16 février après 25 ans dans le pays.

La journaliste indépendante a été privée de son permis de travail en septembre 2022, puis menacée en janvier 2024 du retrait de sa carte de résidente OCI (Overseas Citizen of India – un permis de résidence accordé à vie aux étrangers d’origine indienne et aux conjoints de citoyens indiens, comme c’est le cas ce cette journaliste). Une décision qu’elle a contesté auprès de l’administration. L’issue de la procédure reste incertaine face aux accusations surréalistes des autorités indiennes à l’égard de la journaliste. Elles lui reprochent des activités journalistiques “malveillantes et critiques”, “contraires aux intérêts de la souveraineté et de l'intégrité de l'Inde, à la sécurité de l'Inde et aux intérêts du grand public”

Face à la menace d’expulsion du pays et à l’impossibilité d’exercer son métier, la journaliste a dû se résoudre à prendre un avion pour la France.

“J'écris ces mots en pleurant, écrit Vanessa Dougnac dans un communiqué. Aujourd'hui, je quitte l'Inde, le pays où je suis arrivée il y a 25 ans en tant qu'étudiante et où j'ai travaillé pendant 23 ans en tant que journaliste. C'est là que je me suis mariée, que j'ai élevé mon fils et que je me sens chez moi. Je n'ai pas choisi de partir. C'est le gouvernement indien qui me force à partir.”

“Le départ contraint d’Inde d’une journaliste professionnelle chevronnée, établie dans le pays depuis deux décennies révèle une image bien sombre et déplorable de ce qu’est devenue la liberté de la presse sous la gouvernance de Narendra Modi. À deux mois des élections, l’étau se resserre sur les correspondants étrangers qui tentent de couvrir avec professionnalisme l’actualité dans en Inde. RSF dénonce le traitement inacceptable qui a été réservé à Vanessa Dougnac, ciblée par des accusations absurdes utilisées comme subterfuges pour museler et intimider des voix indépendantes. RSF appelle les autorités indiennes à garantir la sécurité et le libre exercice des journalistes.

Anne Bocandé
Directrice éditoriale de RSF

En connaisseuse aguerrie de l’Inde et de ses évolutions politiques, Vanessa Dougnac est lucide sur le fait que les procédures qui la visent “s'inscrivent dans le cadre d'un effort plus large du gouvernement indien visant à réprimer la critique au sein de la communauté OCI, insiste-t-elle. Les autorités m'avaient auparavant suggéré de changer de profession. Mais je suis journaliste, une profession qui me tient à cœur, et je ne peux accepter d'y renoncer à cause d'accusations infondées.” 

Alors qu’un climat liberticide s’est installé à l’approche des élections générales en Inde, les mesures de rétorsion du pouvoir envers les correspondants étrangers, pour les intimider et tenter de contrôler l’information, n’ont cessé de s’intensifier. À ce jour, au moins quatre journalistes OCI établis en Inde se sont vu refuser leur permis d’exercer, dont deux ont choisi de quitter le territoire.

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