Exactions en série contre les journalistes qui couvrent les manifestations pro-démocratiques
Organisation :
C'est avec effroi que Reporters sans frontières a appris la mort du photographe yéménite Jamal Al-Sharabi du quotidien local Al-Masdar, le 18 mars à Sanaa.
"Nous sommes bouleversés par la mort de Jamal Al-Sharabi durant la répression brutale des manifestations populaires au Yémen aujourd'hui. Nos premières pensées se tournent vers sa famille, ainsi que les membres de la rédaction d'Al-Masdar. Il est revoltant que ce photographe ait payé de sa vie ses efforts pour informer ses concitoyens", a déclaré l’organisation.
Le photographe, âgé de 35 ans et père de quatre enfants, a été tué alors qu'il couvrait l'assaut des forces de l'ordre contre les manifestants pacifiques, place du Changement, devant l'université de Sanaa, causant au moins 30 morts.
Jamal Al-Sharabi est le quatrième journaliste mort pendant les protestations populaires qui traversent le Moyen-Orient.
Reporters sans frontières constate que les autorités des pays arabes continuent de privilégier l’usage de la violence pour répondre aux mouvements de protestation qui se poursuivent au Yémen, au Bahreïn et dans Territoires palestiniennes. En Arabie Saoudite, les autorités s’en prennent aux journalistes étrangers pour empêcher la diffusion des images des revendications populaires. Reporters sans frontières condamne ces tentatives de censure et d’intimidation.
YEMEN
Le 17 mars, des casseurs du parti au pouvoir ont saisi la caméra de l’équipe d’Al-Jazeera dans la province de Taez alors que le correspondant de la chaîne, Hamdi Al-Bakari, couvrait des agressions contre les manifestants. Dans la même région, la journaliste, écrivaine et activiste Boushra Al-Maqtari a été blessée alors que les agents de sécurité essayaient de disperser un sit-in place de la Liberté, dans la ville de Taez. Mohammed Al-Hozayfi, correspondant de Mareb Press, a été blessé alors que les forces anti-émeutes jetaient des pierres et des bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants.
Le 16 mars, le journaliste Adel Abdel Mughni de l’hebdomadaire émirati Al-Shorouq a été agressé par des sympathisants du pouvoir dans une rue de la capitale alors qu’il rentrait de la couverture du sit-in place du Changement.
Dans la province de Hodeidah, Bassem Al-Janabi, journaliste du site Al-Masdar Online a été agressé lors de la couverture d’un sit-in exigeant le départ du président Saleh lorsque des agents de sécurité et des casseurs du parti au pouvoir ont attaqué les manifestants armés avec des couteaux et de bombes lacrymogènes. Elle a perdu connaissance.
Les autorités continuent à faire obstruction la distribution de certains journaux. Les numéros du jeudi et du vendredi du journal Akhbar Al-Yom ont été saisis à l’aéroport de Sanaa. Ils étaient destinés à être distribués à Aden, Al-Daleh, Lahej et Abyan. Le 15 mars, les autorités ont empêché la diffusion du journal Al-Oumana, publiée dans la province d'Aden, dans la capitale, en raison de sa couverture des manifestations étudiantes.
BAHREIN
Alors que des contingents de militaires en provenance d'Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis viennent d’être mobilisés pour aider à contenir l'agitation politique dans le pays, des hommes armés de matraques et de couteaux ont pris d'assaut, le 15 mars 2011, les locaux de l’imprimerie du journal Al-Wasat, seul quotidien indépendant du pays, endommageant le matériel, afin d’empêcher la parution du journal. Selon le rédacteur en chef, Mansour al-Jamri, les employés auraient déjà été menacés suite à la couverture des événements politiques. Ahmed Mahdi, directeur de l’imprimerie, confirme les déclarations du journaliste : depuis plus de trois jours, les employés étaient escortés par les forces de police pour se prendre sur leur lieu de travail, affirme-t-il. Le journal Al-Ayam a accepté d’imprimer l’édition du jour du journal.
Mohammed Jamjoom, correspondant de CNN basé à Abu Dhabi a été expulsé du pays le 16 mars. Les raisons de cette expulsion restent floues, les autorités ont refusé d’expliquer leur décision. Le journaliste a été escorté par un responsable du ministère de l’Information à l’aéroport. Alex Delmar-Morgan, journaliste du Wall Street Journal, a été interpellé par des membres de la Garde nationale alors qu’il se rendait place de la Perle. Il a été libéré trois heures plus tard. Le 13 mars, le photographe Mohammed al-Mukharaq, qui travaille pour le quotidien Al-Wasat, a été attaqué par une vingtaine d’agents de sécurité en civil alors qu’il prenait des photos des protestations. Il a eu la main gauche cassée ; son appareil photo et son téléphone portable ont été détruits.
Voir: http://www.youtube.com/watch?v=AtRj0SaHkLU&feature=youtu.be
Sur fond de tension entre communautés chiite et sunnite, les appels se multiplient dans des forums sur Internet pour que soit fermé le bureau de la chaîne Iranienne chiite Alalam et arrêter son reporter Ali Al-Mousawi.
GAZA
Le 15 mars, une vingtaine de journalistes ont été agressés par les forces de l’ordre du Hamas à Gaza. Vers 18 heures (heure locale), elles ont barré toutes les routes menant à place Katiba, où plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées suivant un appel lancé sur Facebook par le groupe “la coalition du 15 mars" militant pour la fin de la division entre Palestiniens.
Les forces de sécurité ont pris d'assaut la place et ont exigé que les manifestants quittent immédiatement les lieux. Face à la résistance posée par certains, les forces de l’ordre ont détruit les tentes, en commençant par la tente érigée par le Syndicat des journalistes. De nombreux journalistes et photographes ont été agressés, et une quantité importante de matériel professionnel (appareils photos et cartes mémoires) a été confisquée.
Parmi les journalistes touchés, on compte la correspondante de SKeyes, Centre pour la liberté de la presse et de la culture, Asma Al-Ghoul. Elle a été sévèrement frappée, puis arrêtée au centre d’investigation pendant cinq heures. Sa collègue, Samah Ahmed, a été poignardée dans le dos et transférée à l'hôpital Shifa à Gaza pour y recevoir des soins. Akram Atallah, qui écrit pour le quotidien cisjordanien Al-Ayyam, a été agressé et a eu le bras gauche fracturé.
Le 17 mars, les forces de l’ordre du Hamas ont attaqué quatre journalistes qui couvraient un rassemblement organisé par un groupe du mouvement populaire des jeunes devant le siège de l'UNRWA à Gaza. Khader Abu Kuik, photographe de l’agence de presse chinoise Xinhua, Ismail Al-Zanoun, cameraman d’Al-Jazeera, Mohamed Al-Baba, photographe d’AFP et Sam Yassin, journaliste indépendant ont été empêchés de filmer. Ils se sont vu confisquer leurs appareils photo et leurs cartes mémoires.
ARABIE SAOUDITE
Les autorités saoudiennes ont retiré, le 15 mars 2011, son accréditation au correspondant de Reuters, Ulf Laessing, l’accusant d’avoir publié un rapport inexact sur une manifestation récente dans ce pays. Dans un communiqué, l’agence de presse a déclaré que le journaliste, basé à Riyad depuis 2009, quittera le pays dans la semaine.
Une équipe composée d’une journaliste de la BBC et d’une photographe espagnole a été interpellée, le 4 mars dernier, pendant près de trois heures, pour avoir voulu couvrir une manifestation organisée dans la ville de Houfouf, dans l’est du pays. La journaliste, contactée par Reporters sans frontières, insiste sur le fait qu’elle était entrée dans le pays avec un visa presse et avait reçu la garantie, la veille de son interpellation, par le ministre de l’Information en personne, qu’elle pourrait travailler en toute liberté sur l’ensemble du territoire saoudien.
Amal Zahid et Amira Kashgari, deux reporters du quotidien saoudien Al-Watan, un des journaux les plus importants du royaume, ont été interdits de publication, sans que la rédaction n’apporte d’explication.
Publié le
Updated on
20.01.2016