Enquête sur la séquestration d'une équipe du quotidien O Dia : quatre nouvelles arrestations
Parmi les quatre individus arrêtés, le 11 décembre 2008, à Rio, figurent trois policiers militaires. Deux chefs présumés de la milice du Batan, du nom de la favela où les faits se sont produits, ont déjà été écroués au mois de juin.
Le 16 juin 2008, l'inspecteur de la police civile Odnei Fernando da Silva, alias “01”, “Dinei” ou encore “Águia”, accusé d'être le chef de la milice qui a séquestré et torturé trois employés du quotidien O Dia, le 14 mai dernier, dans la favela du Batan à Rio de Janeiro, s'est livré aux autorités. En fuite depuis le 4 juin et sous le coup d'un mandat d'arrêt, le policier s'est présenté, accompagné de son avocat, au siège de la Délégation à la répression contre les actions criminelles et aux enquêtes spéciales (DRACO). Dans sa déposition initiale, Odnei Fernando da Silva a nié toute implication dans les actes de torture contre les deux journalistes et leur chauffeur, arguant qu'au moment des faits, il se trouvait à une fête dans le quartier de Bangu, à Rio. Questionné sur ses relations avec le supposé numéro deux de la bande, Davi Liberato de Araújo, déjà détenu, l'inspecteur a déclaré qu'ils se connaissaient depuis l'enfance mais ne se fréquentaient plus. Le chef de la milice du Batan a été conduit dans la journée dans une prison spéciale pour les policiers, au sein du complexe pénitencier de Gericinó. Reporters sans frontières se félicite une fois de plus des progrès de l'enquête et espère que toutes les responsabilités dans les actes de barbarie commis contre les employés d'O Dia seront rapidement établies. _________________________ 06.06.08 - Tortures contre trois employés du quotidien O Dia : un suspect arrêté et un policier en fuite identifié comme le chef de la milice Les policiers de la Délégation à la répression contre les actions criminelles et aux enquêtes spéciales (DRACO) ont présenté à la presse, le 4 juin 2008 à Rio de Janeiro, un premier suspect dans l'affaire des actes de barbarie dont a été victime une équipe de reportage du quotidien O Dia, le 14 mai dernier dans la favela du Batan. Il s'agit de Davi Liberato de Araújo, 32 ans, surnommé “02” en sa qualité présumée de second dans la hiérarchie de la milice parapolicière qui avait séquestré et torturé une journaliste, un photographe et leur chauffeur. L'intéressé, soumis à un régime de semi-liberté, a assuré s'être trouvé en cellule au moment des faits. Les enquêteurs ont également identifié Odnei Fernando Silva, 35 ans, alias “01”, “Dinei” ou encore “Águia”, comme le chef de la milice du Batan. Ancien agent pénitentiaire, inspecteur de la police civile, ce dernier a déjà été emprisonné pour homicide. Sous le coup d'un mandat d'arrêt, il est actuellement en fuite. La DRACO enquête également sur la possible implication de policiers militaires et l'existence d'un cimetière clandestin utilisé par la milice du Batan. Enfin, la journaliste d'O Dia a affirmé avoir reconnu, au cours de la séance de torture, la voix de l'assistant parlementaire du député local Coronel Jairo, lequel a démenti et fermement condamné les agissements de la milice du Batan. Reporters sans frontières se félicite des progrès rapides de l'enquête et souhaite que le témoignage de Davi Liberato de Araújo permette d'identifier les responsabilités dans l'enlèvement de l'équipe d'O Dia. L'organisation espère l'arrestation rapide d'Odnei Fernando da Silva. ___________________________ 02.06.08 - Trois employés du quotidien O Dia séquestrés et torturés par des milices : Reporters sans frontières sollicite la mise en place d'une commission d'enquête fédérale
A l'attention de M. Luiz Inácio Lula da Silva
Président de la République fédérative du Brésil
M. Tarso Genro
Ministre de la Justice
M. Sérgio Cabral
Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Gouverneur,
Vous avez pris connaissance des révélations concernant l'enlèvement et les actes de barbarie dont ont été victimes, le 14 mai 2008, une journaliste, un photographe et un chauffeur du quotidien O Dia. Reporters sans frontières est sidérée d'apprendre que de tels faits puissent avoir été commis par des agents de la force publique, censés lutter contre l'insécurité et le trafic de drogue dans les quartiers sensibles. Le comportement de ces fonctionnaires - policiers, agents pénitentiaires, pompiers, fonctionnaires de la Sécurité publique - constitués en milices n'a, en l'occurrence, rien à envier à celui des individus qu'ils prétendent combattre. Cette affaire, d'une extrême gravité, vient s'ajouter à certaines attaques récentes contre les médias impliquant des fonctionnaires de police, en particulier dans les États de Rio de Janeiro et São Paulo. Ces abus de pouvoir appellent, selon nous, la mise en place d'une commission d'enquête fédérale, en lien avec les autorités des États, chargée de mettre en lumière et de punir les agissements de ces milices. Les journalistes, accompagnés de leur chauffeur, consacraient un reportage à ce sujet. Ils avaient emménagé, au début du mois de mai, dans la favela du Batan à Realengo, dans la zone ouest de Rio de Janeiro. Le 14 mai, alors qu'ils se trouvaient dans une brasserie, le photographe et le chauffeur ont été enlevés par une dizaine d'hommes en armes. D'après la rédaction de O Dia, ces derniers ont voulu inciter des habitants du quartier à lyncher les deux hommes, avant de les embarquer de force dans un véhicule de type Polo, de couleur rouge, immatriculé KPB 4592. Le même jour, vers 21 heures, les miliciens ont capturé la journaliste à son domicile de la favela et l'ont emmenée dans le même véhicule que ses collègues. Un milicien l'aurait avertie : “Tu es du journal O Dia et tu es prisonnière pour ‘mensonge idéologique'.” Pendant sept heures, les journalistes - dépossédés de leur matériel - et leur chauffeur ont été livrés à la barbarie d'une vingtaine de miliciens dans une prison secrète : étouffement à l'aide de sacs plastique enfilés sur la tête, chocs électriques, roulette russe, mutilations. Menacés d'être torturés à mort par leurs agresseurs, les victimes ont été finalement libérées vers 4 heures du matin. Elles se trouvent actuellement en lieu sûr et sous assistance médicale et psychologique. Pour ne pas gêner l'enquête diligentée aussitôt par la Sécurité publique de l'État de Rio de Janeiro, l'affaire n'a été rendue publique que le 31 mai. Le Syndicat des journalistes de la municipalité de Rio de Janeiro y a vu “l'un des attentats les plus graves contre la liberté d'information depuis la fin de la dictature militaire”. Phénomène relativement nouveau d'après la presse carioca, les milices de ce type régneraient en véritable mafia sur environ 78 localités. Elles seraient, selon O Dia, à l'origine d'environ 200 assassinats commis au cours de ces trois dernières années. Leur présence menace directement les garanties d'État de droit posées dans la Constitution fédérale de 1988 et c'est pourquoi Reporters sans frontières sollicite contre elles une action d'envergure. En vous remerciant de l'attention de que vous porterez à cette lettre, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, messieurs, l'expression de ma très haute considération. Robert Ménard
Secrétaire général