Enlèvements, assassinats et destruction de médias : l’étau se resserre sur Alep
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L’armée régulière a récemment intensifié ses frappes sur Alep, n’hésitant pas à viser des acteurs de l’information et des médias syriens. Mohamed Ahmed Taysir Bellou (citoyen-journaliste connu sous le nom de Mohamed Al-Andan, rédacteur en chef de Al-Shahba TV, reporter pour Shahba Press agency, et responsable du bureau des médias de la brigade Ahrar Souria, a été mortellement touché au cou, ce 19 novembre 2013, par un sniper de l’armée régulière alors qu’il couvrait les combats près du département des services de renseignements à Lairmoon (Alep).
Et deux médias ont été détruits par des bombardements de l’armée régulière en 48 heures.
Le 17 novembre en milieu de journée, les bureaux du Aleppo News Network (HNN - Halap News Network) à Nafiza (Sheikh Najjar, zone industrielle au nord d’Alep) ont été visés par des tirs de l’armée régulière. Les locaux ont été partiellement détruits, sans pour autant faire de victimes. D’après des témoignages collectés, les militaires de l’armée ont déclaré dans leurs communications qui ont pu être interceptés par les activistes qu’il fallait viser ANN “parce qu’il y avait ces chiens d’activistes de l’information dans le bâtiment”.
La veille, les locaux du Aleppo Media Center ont été détruits dans le bombardement du quartier d’Al-Miyasar par l’armée régulière au moyen de missiles thermobariques. Quatre personnes présentes dans le centre ont été blessées. Parmi elles, Fadi Al-Halabi et Mohamed Tayed, tous deux collaborateurs de l’AMC, et Hassan Qattan, activiste de l’information. Fadi Al-Halabi a déclaré à Reporters sans frontières avoir reçu des messages de menaces sur Facebook de la part de partisans du régime.
En outre, le 11 novembre 2013, les services de renseignements syriens ont arrêté le journaliste indépendant Omar Al-Shaar à son domicile à Jaramana (sud-ouest de Damas). Son ordinateur, ainsi que celui de sa femme, avocate, ont été confisqués. Rédacteur en chef de la page en anglais du site indépendant DP-Press News depuis 2011, il est connu pour son professionnalisme.
Parallèlement, depuis le début du mois de novembre, Reporters sans frontières constate une augmentation très nette du nombre d’enlèvements d’acteurs syriens de l’information par des groupes armés dans la ville d’Alep et ses environs. Au moins cinq citoyens-journalistes syriens ont été enlevés au cours des trois dernières semaines. “L’accélération du rythme des enlèvements est extrêmement inquiétant”, souligne l’organisation qui a publié, le 6 novembre dernier, un rapport "Le journalisme en Syrie : une mission impossible ?".
A ce jour, plus d’une vingtaine d’acteurs de l’informations syriens sont toujours otages. Et seize journalistes étrangers sont détenus, retenus en otages ou portés disparus.
Ahmed Bremo, citoyen-journaliste, a été kidnappé, le 16 novembre, dans le quartier de Zebdiya à Alep par des individus armés.
Le 14 novembre dernier dans la soirée, une trentaine d’hommes armés ont fait irruption dans les locaux du site d’informations Zaman Al-Wasl à Alep, à la recherche de l’un de ses reporters Ra’fat Al-Rifaei. Depuis, il se cache depuis. Une partie des équipements a été saisie. D’après le journaliste, interrogé par le site d’informations, cette attaque ferait suite à des articles publiés précédemment. Ra’fat Al-Rifaei déclare avoir reçu de nombreuses de menaces, notamment après l’enlèvement d’Abdul Wahhab Al-Mulla une semaine plus tôt.
Le 12 novembre au soir, Jomaa Moussa (aka “l’activiste des médias joyeux”) a été kidnappé à son domicile dans le quartier de Hanano à Alep par cinq hommes.
Le 7 novembre, Abdul Wahab Al-Mulla, l’un des fondateurs du Aleppo News Network et de l’Aleppo Reporters Union, était enlevé à son domicile dans le quartier de Hanano à Alep par des individus armés. Ce citoyen-journaliste est connu pour ses prises de position critiques à l’encontre du régime de Bashar Al-Assad et des groupes armés d’opposition. Présentateur du programme “la Révolution 3 étoiles” sur la chaîne “Halab Al-Youm” (Alep aujourd’hui) , il a dénoncé à plusieurs reprises les exactions commises par les groupes islamistes.
Muayyad Salloum, correspondant pour la chaîne Orient TV, a été enlevé à Tareeq Kastello dans la banlieue d’Alep le 1er novembre 2013.
Ziad Homsi, photographe à Douma (banlieue de Damas), reporter pour Basma and de collaborer avec le magazine Henta, a été enlevé le 28 octobre dernier à un check-point contrôlé par Islamic State of Iraq and Sham au nord d’Alep, alors qu’il revenait de Turquie.
Mohamed Saeed Al-Khatib, correspondant pour la chaîne Al-Arabiya, a été assassiné le 29 octobre dernier devant son domicile à Hraitan (Alep) de trois balles (dont une en pleine tête), tirées par trois hommes armés, qui ont tenté de l’enlever. Il semblerait que l’assassinat de Mohamed Saeed, ancien correspondant pour Orient TV, fasse suite à ses prises de position publiques après l’enlèvement de trois anciens collègues d’Orient TV, Obaida Batal, Hussam et Aboud, devant le domicile du journaliste le 25 juillet dernier. Il se savait menacé depuis.
Menacés par ISIS, les acteurs syriens de l’information fuient le pays. Une véritable hémorragie. Depuis le début du mois de novembre, plus de dix d’entre eux ont ainsi quitté la Syrie pour trouver refuge en Turquie. Nombreux sont ceux qui ont décidé de rester en Syrie, tout en cessant toutes leurs activités, de crainte de représailles. Pour ISIS, les seuls médias tolérés sont ceux qui diffusent ou publient des informations ou des communiqués validés par leurs émirs. Tous les autres doivent être réduits au silence et leurs collaborateurs tués.
ISIS considère en effet ces médias comme des marques du démon , et tout personne en lien avec eux comme des agents du diable , associés à des images de débauche, qu’il convient d’éliminer au nom de l’Islam. Et des chaînes comme Al-Arabiya ou Orient TV sont des infidèles, des impurs.
Publié le
Updated on
20.01.2016