Encore un journaliste condamné à huit ans de prison
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Reporters sans frontières dénonce fermement la condamnation à huit ans de prison de Parviz Hachimli, prononcée le 15 mai 2014 par un tribunal de Bakou. Le journaliste et défenseur des droits de l’homme a été reconnu coupable de « recel » (article 206.3.2 du code pénal) еt de « vente illégale d’armes » (article 228.2.1) de manière réitérée.
« Après huit mois de détention provisoire, la condamnation de Parviz Hachimli est une nouvelle machination politique qui ne vise qu’à faire taire une voix critique », déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. « Le journaliste a été victime d’une justice arbitraire qui ne l’a pas autorisé à présenter les preuves de son innocence. Nous sommes indignés qu’un tel jugement, bafouant tous les droits de la défense, soit rendu alors que l’Azerbaïdjan vient de prendre la présidence tournante du conseil des ministres du Conseil de l’Europe. Nous demandons à la justice de casser cette décision en appel et d’acquitter Parviz Hachimli dans les plus brefs délais. »
Parviz Hachimli, correspondant du journal Bizim Iol, directeur du site d’information Moderator.az et du Centre de défense des droits civils et politiques des citoyens, a été reconnu coupable d’avoir organisé des ventes d’armes iraniennes avec la complicité d’un autre citoyen, Tavakkul Gourbanov. Ce dernier a plaidé coupable et a été condamné à huit ans et demi de prison pour les mêmes chefs d’accusation. Le procureur avait réclamé neuf ans d’emprisonnement pour chacun des accusés. A l’annonce du verdict, Parviz Hachimli a souligné le caractère éminemment politique de cette décision. Pendant le procès, il avait fait état de pressions cherchant à le contraindre à impliquer des personnalités d’opposition.
Arrêté le 17 septembre 2013 sur ordre du ministère de la Sécurité nationale, Parviz Hachimli a été placé à l’isolement pendant les vingt premiers jours de sa détention provisoire. Il n’a alors pu contacter ni son avocat ni ses proches, et a déclaré avoir été victime de tortures physiques et psychologiques. La cour a rejeté ses requêtes successives visant à faire examiner des éléments qui auraient prouvé son innocence.
La situation de la liberté de l’information et des droits de l’homme est particulièrement alarmante en Azerbaïdjan, où le pluralisme médiatique disparaît un peu plus chaque jour. Le 14 mai, le pays a pris la tête du conseil des ministres du Conseil de l’Europe. C’est actuellement le plus répressif des 47 Etats membres de l’organisation, garante du respect des droits de l’homme sur le continent. Au moins dix journalistes sont emprisonnés à ce jour du fait de leurs activités professionnelles. Le président Ilham Aliev ne recule devant rien pour annihiler toutes les voix qui s’élèvent contre lui.
Le 14 mai, deux jours après la visite officielle du Président de la République François Hollande, une quinzaine d’agents de sécurité ont interpellé deux journalistes français à l’aéroport de Bakou alors qu’ils quittaient le pays. Le reporter Laurent Richard et le cameraman Emmanuel Bach, de l’agence de presse Premières Lignes, étaient venus en Azerbaïdjan afin de suivre la délégation française ; ils étaient ensuite restés deux jours pour rencontrer des militants des droits de l’homme et des opposants politiques pour le magazine “Cash Investigation” de France 2. Les policiers ont fouillé leurs ordinateurs et disques durs, avant de saisir leurs notes et cartes mémoires sur lesquelles étaient enregistrées les interviews et images de leurs rencontres. Comme les journalistes refusaient de partir sans leur matériel, ils ont été placés dans l’avion de force.
« On savait que l’Azerbaïdjan s’en prenait aux journalistes locaux, le régime n’hésite plus à s’en prendre à des journalistes étrangers accrédités dans une délégation officielle du Président de la République Française. (…) Il faut parler de ces actes de censure, c’est le seul moyen de protéger ceux qui, sur place, dénoncent les atteintes aux droits de l’homme et à la démocratie », déclare à Reporters sans frontières Benoît Bringer, rédacteur en chef de Premières Lignes.
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Updated on
20.01.2016