En Turquie, deux ans de prison pour la reproduction de dessins de Charlie Hebdo
Reporters sans frontières (RSF) est atterrée par la condamnation de deux journalistes du quotidien turc Cumhuriyet à deux ans de prison ferme, le 28 avril 2016, pour avoir reproduit la couverture du “numéro des survivants” de Charlie Hebdo.
Un tribunal d’Istanbul a condamné les chroniqueurs du quotidien Cumhuriyet, Ceyda Karan et Hikmet Cetinkaya, à deux ans de prison, ce 28 avril, pour “incitation à la haine et à l’hostilité” sur fondement religieux (article 216.1 du code pénal). Leur crime ? Avoir reproduit, en médaillon dans leurs chroniques, la couverture du “numéro des survivants” de Charlie Hebdo. Sous le titre “Tout est pardonné”, ce dessin représentait Mahomet tenant une pancarte “Je suis Charlie”. Ce signe de soutien à la rédaction décimée une semaine plus tôt avait valu à Cumhuriyet le harcèlement des autorités et d’activistes islamistes.
“La condamnation de Ceyda Karan et Hikmet Cetinkaya est intolérable, dénonce Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Non seulement ces journalistes n’ont jamais incité à la haine, mais ils sont au contraire les premières victimes de la violente campagne qui s’est déchaînée contre Cumhuriyet. Campagne que la justice semble légitimer en prononçant des peines d’une sévérité exemplaire. Nous appelons la cour de cassation à invalider ce jugement au nom du principe constitutionnel de la liberté d’expression.”
Le gendre et les filles du président Recep Tayyip Erdogan figuraient parmi les quelque 1 280 plaignants, aux côtés de l’association islamiste Özgür Der. L’avocat de Cumhuryet, Bülent Utku, a déclaré à RSF avoir immédiatement interjeté appel. Les journalistes restent pour l’heure en liberté mais ils iront en prison si leur condamnation est confirmée. L’avocat déplore que le tribunal n’ait pas fait usage de son droit à commuer les peines de prison en sursis ou en amende.
Depuis leur geste de solidarité avec Charlie Hebdo, les menaces de mort à l’encontre de Ceyda Karan, Hikmet Cetinkaya et leurs collègues se sont multipliées. “Personne n’est obligé d’être du même avis [que nous], avait déclaré Ceyda Karan à l’une des dernières audiences de son procès. Mais si de hauts responsables politiques, susceptibles d’avoir une influence sur la société et censés rester neutres vis-à-vis de diverses communautés, provoquent à la violence, au meurtre, au lynchage, cela signifie que tout le monde est en danger. Si ce n’est pas aujourd’hui, demain.”