En RDC, une radio empêchée de reprendre ses activités par les autorités provinciales
Reporters sans frontières (RSF) dénonce fermement l’ingérence illégale du gouverneur de la province de l’Équateur en République démocratique du Congo (RDC) en vue d’empêcher la Radio Télévision Sarah (RTS) de reprendre sa diffusion, après plus d’un an et demi de suspension.
“Il y avait toute une garnison, et ils nous ont empêché d’accéder à nos locaux”. Le 6 juin, alors que Radio Télévision Sarah (RTS), qui couvre la province de l’Équateur, dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo (RDC), venait tout juste d’obtenir le droit de reprendre sa diffusion après plus d’un an et demi de suspension, une dizaine de policiers, accompagnés du ministre provincial de la Justice, Imbambo Nzobali, sont intervenus pour bloquer l’accès des journalistes à leur rédaction, sur ordre du gouverneur de l'Équateur, Bobo Boloko Bolumbu.
"C’est une situation ahurissante, qui s’est opérée en toute illégalité. Outre le fait que cette radio communautaire populaire ait été empêchée d’exercer durant une longue période pour des raisons obscures, les autorités provinciales se sont arrogées le droit d’intervenir pour empêcher sa réouverture. Nous condamnons fermement cet abus de pouvoir et demandons au gouverneur de la province de l’Équateur de ne plus interférer avec une décision de justice, et de laisser Radio Télévision Sarah reprendre ses activités librement, sans entrave. Le matériel de la radio saisi doit également lui être restitué.
Contacté par RSF, le directeur de la radio télévision, Steve Mwanyo Iwewe, a indiqué que les policiers “campent toujours devant le bâtiment, armés jusqu’aux dents. Ils nous ont menacé de nous tuer si l’un des journalistes était aperçu dans la zone”. Il a aussi déclaré se sentir “en totale insécurité”. Dans la nuit du 15 juin, des inconnus ont tenté de casser son portail, avant de prendre la fuite.
Le 15 novembre 2021, le gouvernement provincial de l’Équateur avait, par un arrêté du ministre de la communication, suspendu la radio, dont le promoteur est l’ancien gouverneur de la province, et scellé ses équipements pour une durée de 60 jours, l’accusant d’avoir “relayé des informations d’outrage à l’autorité, et appelant la population à la révolte”. Deux mois plus tard, la mesure a été prolongée arbitrairement pour une durée indéterminée. Après un recours en justice introduit par la radio, la cour d'appel a déclaré illégale la fermeture de la station le 2 juin dernier, après presque 19 mois d’interruption, et a autorisé la radio à rouvrir.
Lors du constat opéré avant l’intervention des policiers le 6 juin, les journalistes ont découvert que tout le matériel avait été emporté : “mixeurs, émetteur, régies de la radio et de la télévision, caméras, micros, même les chaises… le bâtiment est une coquille vide”, a déploré Steve Mwanyo Iwewe. Pourtant, des policiers dépêchés par le gouverneur assuraient la garde de la radio pendant toute la durée de sa suspension, selon lui. RSF a tenté de contacter le gouverneur de la province de l’Équateur, en vain.
Ce n’est pas la première fois que les autorités provinciales s’en prennent à la RTS et à ses journalistes. Le 28 juin 2022, le tribunal de grande instance de Mbandaka avait requis trois ans de prison ferme contre le journaliste de la RTS Chilassy Bofumbo pour “imputations dommageables, outrage à l’autorité, injure publique, incitation à la haine et rébellion”, parce qu’il avait couvert une marche de protestation contre le gouverneur de la province en novembre 2021. Il a été relaxé après avoir passé sept mois en prison. En 2019, Steeve Mwanyo Iwewe a lui-même été condamné à une peine de douze mois de prison pour “outrage à l’autorité” à l’égard du gouverneur, après avoir couvert une manifestation à la veille des élections. Il a été libéré après deux mois de détention.
La RDC occupe la 124e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.