En rançonnent des médias afghans, les Talibans prennent en otages l’information indépendante
Depuis des mois, dans plusieurs provinces d’Afghanistan, en plus des menaces régulières proférées contre les médias, les Talibans imposent à ces derniers l’obligation de payer des taxes arbitraires qui s’apparent à des rançons.
Le 19 décembre 2017, Ahmad Farid Omari, directeur de la télévision privée Ghaznavian, a déclaré : « Au début du printemps, les Taliban nous ont contactés par téléphone et nous ont réclamé 400,000 afghanis ( l’équivalent de 25000 euros), nous disant que c’était l’impôt imposé désormais aux médias dans tout le pays. Après plusieurs rappels et menaces, nous avons payé.»
« Depuis trois mois, les Talibans demandent aux médias leur chiffre d’affaires pour évaluer de nouveaux impôts qu’ils devraient payer et après ils leur envoient des lettres de menaces et des avertissements pour qu’ils s'exécutent”, confirme Mohammad Aref Noori, responsable de l’Union des journalistes et des médias de la province de Ghazni.
La télé Ghaznavian n’est pas l’unique victime de ces demandes de rançon. Depuis le printemps dernier, les Talibans ont demandé à plusieurs médias, parmi lesquelles les radios Killid, et Sama, leurs chiffres d’affaires pour calculer le montant de leur impôt.
Les responsables de ces médias affirment qu’ils ont averti dès le début les autorités locales et nationales. De leur côté, les autorités affirment que les responsables des médias ne voulaient pas donner toutes les preuves de ces menaces pour trouver et poursuivre les auteurs. Ils insiste également sur le fait que la situation est sous contrôle et qu’elles peuvent assurer la sécurité de ces médias.
«Face à cette situation, la protection des médias et des journalistes doit être une priorité pour les autorités afghanes, déclare Reza Moini, responsable du bureau Iran/Afghanistan de Reporters sans frontières. Les Talibans sont des ennemis de la presse et leur objectif est de créer des trous noirs de l’information. Il faut que les médias et les autorités trouvent ensemble une solution pour mettre fin à ces rançons et cette prise d’otage de l’information. »
L’insécurité se dégrade en effet de jour en jour. Les autorités ont proposé de renforcer la sécurité des locaux des médias. Certes, cela peut être efficace mais a un inconvénient, celui de couper les médias du terrain. Par ailleurs, l’expérience montre que cette de protection est inefficace dans les petites villes. La cible n’est pas uniquement le siège des médias mais les journalistes et collaborateurs eux-mêmes.
Très critique vis-à-vis des autorités pour leur inaction, Ahmad Farid Omari explique qu’il a payé pour protéger sa vie et celle de ses 18 collaborateurs et parce qu’il n’avait pas l’assurance que les forces de l’ordre allaient garantir leur sécurité.
A cause de ses révélations, ce journaliste est aujourd’hui menacé par les Talibans mais aussi par les autorités qui l’accusent de “collaboration avec l’ennemi”.
Depuis neuf mois, les médias sont sous pression, radio Killide a réduit drastiquement ses effectifs et Radio Sama est en difficultés économique.
“Nous avons décidé ne pas payer ces rançons, nous avons également informé les autorités de ces menaces qui pèsent contre la radio et nos collègues sur place, mais elles n’ont rien fait. Désormais, on diffuse nos mission par satellite mais seulement avec deux techniciens, 16 autres collègues sont en chômage ! Et on ne peut pas couvrir les info locales”, explique à RSF Najiba Ayubi, directrice du Killid Group.
Selon des informations recueillies par RSF, d’autres médias auraient payé des rançons. De son côté, Zabiollah Mojaeh, le porte-parole des Talibans, a également confirmé qu’ils ont reçu ces impôts. En réalité, le gouvernement n’a pas le contrôle total sur les villes et villages de la région.
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