Disparu depuis deux mois, le reporter bangladais Shafiqul Kajol retrouvé sain et sauf
Après l’avoir découvert les yeux bandés, pieds et poings liés, à la frontière avec l’Inde, les policiers bangladais ont placé le journaliste en détention. Reporters sans frontières (RSF) exige sa libération immédiate, et demande qu’une instruction soit lancée pour faire toute la lumière sur ses 53 jours de séquestration.
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Actualisation
Suite à une décision rendue le 17 décembre par la haute cour de Dacca, Shafiqul Islam Kajol a finalement été libéré sous caution le 25 décembre 2020. RSF, qui accueille avec soulagement cette information, regrette que le journaliste ait enduré 237 jours de détention, après avoir été séquestré pendant 53 jours. L’organisation appelle le parquet de la capitale bangladaise à abandonner les charges portées à l’encontre du journaliste.
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“La première chose que mon père m’a dit, c’est simplement qu’il est en vie. Et qu’il était content de pouvoir me l’annoncer de vive voix.” Monorom Polok, le fils du journaliste Shafiqul Islam Kajol, disparu depuis bientôt deux mois, a décrit en ces termes à RSF le coup de téléphone qu’il a reçu vers 2 h 40, dans la nuit de samedi à dimanche.
L’appel provenait des gardes du poste de douane de Benapole, dans le sud-ouest du pays, qui ont arrêté le reporter lorsqu’ils l’ont aperçu, samedi à la mi-journée, les yeux bandés, pieds et poings liées, dans une zone de no-man’s land entre l’Inde et le Bangladesh. Faute de passeport en sa possession, Shafiqul Kajol a été interpellé pour entrée illégale sur le territoire bangladais par la police aux frontières, avant d’être transféré vers la ville voisine de Jashore.
Le tribunal du district a requalifié l’accusation en vertu de la section 54 du Code de procédure pénale, laquelle autorise une détention provisoire au simple motif d’activités “potentiellement suspectes”. La prochaine audience est prévue le 19 mai prochain.
Détention choquante
“Si la découverte de Shafiqul Kajol, sain et sauf, est une profonde source de soulagement, son placement en détention apparaît d’autant plus choquant, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons le parquet bangladais à ordonner sa libération immédiate, et à mettre en place une sérieuse équipe d’enquêteurs afin de faire toute la lumière sur l’enlèvement et la séquestration du reporter, qui sont entourées d’épaisses zones d’ombre.”
Monorom Polok, son fils, a confirmé à RSF avoir pu le rencontrer hier, dimanche 3 mars. L’entrevue n’a pas été assez longue pour que le journaliste, menotté, ait le temps de détailler les conditions de sa séquestration. “Il est encore vraiment effrayé”, conclut-il.
C’est le 10 mars, dans la soirée, alors qu’il quittait son bureau, que sa famille a perdu la trace du reporter. Une enquête a été diligentée après que celle-ci a signalé sa disparition dès le 11 mars.
Photoreporter et collaborateur au quotidien Dainik Pakkhakal, Shafiqul Kajol fait l’objet d’une plainte pour diffamation, qui a été déposée la veille même de sa disparition par un parlementaire de la majorité, Saif uz-Zaman Shikhor. Il est reproché au journaliste d’avoir “publié des fausses informations” à propos de l’implication de plusieurs personnalités dans un réseau d’escort-girls au sein d’un hôtel de luxe de Dacca.
Deux autres reporters, Matiur Rahman Chowdhury, rédacteur en chef du quotidien Manabzamin, et l’un de ses rédacteurs, nommé Al-Amin, sont eux aussi poursuivis dans la même affaire.
En chute d’une place par rapport à l’édition précédente, le Bangladesh se classe à la 151e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.