A deux mois de la première audience sur son extradition, RSF appelle à la libération de Julian Assange pour raisons humanitaires et à l’abandon des poursuites
Préoccupée par les informations sur la détérioration de l’état de santé de Julian Assange, Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate pour motifs humanitaires et dénonce les pressions exercées contre le fondateur de Wikileaks pour ses activités journalistiques, qui créent un dangereux précédent
L’audience d’extradition du fondateur de WikiLeaks vers les États-Unis débutera le 24 février 2020 devant le Tribunal de première instance de Westminster. RSF qui sera présente à l’ouverture du procès, s’inquiète de voir que Julian Assange n’a pu préparer suffisamment son audience, et que ses avocats n’ont eu qu’un accès limité à leur client en prison, ce qui viole ses droits fondamentaux.
RSF rappelle la publication le 1er novembre dernier d’un communiqué du Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture Nils Melzer, qui s’inquiète de “la détérioration constante de la santé de Julian Assange depuis son arrestation en avril dernier et sa détention depuis cette date” et qui considère que “sa vie est désormais en danger”. Des craintes partagées par un groupe d’une soixantaine médecins, qui, dans une lettre ouverte datée du 24 novembre, affirment que l’état de santé d’Assange est si mauvais qu’il pourrait mourir en prison, faute d’une prise en charge médicale rapide.
Le fondateur de WikiLeaks a été entendu le 20 décembre dernier par un tribunal de Madrid, via vidéoconférence, dans le cadre de sa plainte contre une société de sécurité espagnole, accusée de l'avoir espionné pour le compte des Etats-Unis quand il était réfugié dans l'ambassade d'Equateur à Londres.
RSF a déjà condamné les pressions du gouvernement des Etats-Unis sur Julian Assange pour ses activités journalistiques, lorsque des documents classifiés, divulgués par WikiLeaks, ont permis la publication par différents médias internationaux d’informations d'intérêt public.
Julian Assange ne devrait donc pas être poursuivi, car il a agi comme intermédiaire entre un lanceur d'alerte et les médias. Les États-Unis ont retenu contre lui 18 chefs d'inculpation, dont 17 en vertu d’une loi sur l'espionnage - une mesure extraordinaire, de plus en plus utilisée par l'administration Trump pour cibler les activités de reporters et de lanceurs d’alerte en matière de sécurité nationale.
“Nous sommes très inquiets de l’état de santé actuel de Julian Assange, et nous demandons sa libération immédiate pour raisons humanitaires, déclare le secrétaire général de RSF Christophe Deloire. Le fait que Julian Assange soit visé par les États-Unis pour ses activités liées au journalisme crée un précédent dangereux pour la liberté de la presse. La communauté journalistique, aux États-Unis et dans le monde, s’inquiète de voir que la loi sur l’espionnage serve à réprimer le travail des journalistes dans le domaine de la sécurité nationale. Ce précédent pourrait permettre dans l’avenir de poursuivre des journalistes et des éditeurs travaillant en liaison avec des lanceurs d’alerte. Les États-Unis doivent cesser de persécuter Julian Assange, et abandonner sans délai les chefs d’accusation fondés sur des lois sur l’espionnage.”
RSF s’inquiète de voir la loi américaine sur l’espionnage utilisée de plus en plus fréquemment contre des sources journalistiques aux Etats-Unis. Selon cette loi, les accusés ne peuvent pas invoquer l’intérêt général pour assurer leur défense, tandis que le parquet, pour lancer les poursuites, doit simplement montrer que les révélations auraient pu porter atteinte à la sécurité nationale, même si elles ne l’ont pas réellement fait.
RSF condamne également la décision du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni de donner son feu vert à l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis. Julian Assange est actuellement détenu à Londres à la prison de Belmarsh, en attendant son audience d’extradition. Cette incarcération préventive fait suite à sa condamnation à cinquante semaines de prison en mai 2019, pour manquement aux conditions de sa libération sous caution lorsqu’en juin 2012, il alla se réfugier à l’ambassade d’Equateur à Londres - où il resta pendant presque sept ans, jusqu’à son expulsion et son arrestation par la police britannique en avril 2019.
Les Etats-Unis et le Royaume-Unis occupent respectivement les 48e et 33e places au classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF.