Deux journalistes tués au Venezuela en moins d’une semaine
A la suite de l’assassinat de deux journalistes à quelques jours d’intervalle, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités vénézuéliennes de mener des enquêtes impartiales pour identifier au plus vite les auteurs et les commanditaires des attaques.
Un comando du Faes (Fuerzas de Acciones Especiales), les forces d’action spéciale vénézuéliennes, a fait irruption vendredi 21 août chez Frankie Torres, directeur de la chaîne locale La Guacamaya TV qui héberge le studio d’enregistrement à son domicile, situé à Cabimas, dans l'État du Zulia (nord-ouest du pays). Composé d’au moins 10 hommes lourdements armés, il a abattu Andrés Eloy Nieves Zacarías, journaliste et cameraman, et Víctor Torres, le fils du directeur de la chaîne. Quelques heures après l’assaut, le Faes a affirmé que les deux individus abattus faisaient parti d’un “groupe délinquant”, sans fournir plus de détails - une déclaration immédiatement démentie par les proches des victimes.
Ce double assassinat survient quelques jours après la découverte du corps sans vie de José Carmelo Bislick, professeur et animateur sur les ondes de la radio Omega 94.1 FM, le 18 août, au bord d’une route à Güiria, dans l'État de Sucre (nord est du pays). Il avait récemment dénoncé des affaires de corruption dans la région (trafic de carburant et de drogue, traite humaine et extorsions dans la ville de Güiria).
“Ces assassinats, qui ont notamment visé deux journalistes exerçant leur droit d’informer, sont inqualifiables. Nous demandons à la police et la justice vénézuéliennes de mener une enquête impartiale sur ces actes de violence ultime pour en déterminer les auteurs et les commanditaires, déclare Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine pour RSF. RSF rappelle par ailleurs que la censure d’Etat, les arrestations arbitraires et les violences contre les journalistes perpétrées notamment par les forces de l’ordre et les services de renseignement continuent de se multiplier à travers le pays, et constituent une grave menace contre la liberté d’expression.”
La Guacamaya TV est un média local proche de la ligne officielle du gouvernement de Nicolás Maduro, et José Carmelo Bislick était engagé en politique pour le Parti socialiste unifié du Venezuela, le parti officiel du gouvernement du président Maduro. Cette proximité idéologique des victimes avec la ligne officielle de gouvernement, dans un pays extrêmement polarisé, rend ces cas particulièrement complexes. En effet, ce sont la plupart du temps les journalistes critiques et indépendants du pouvoir en place qui sont la cible d'attaques.
Depuis le début de l’année 2020, le centre d’études indépendant Espacio Publico a recensé au moins 270 cas d’attaques contre des journalistes et 686 cas de violations du droit à la liberté d’expression dans le pays. Couplée à des restrictions régulières et organisées de l’accès à internet, la crise de la Covid19 a mis en lumière les immenses difficultés rencontrées par les journalistes indépendants pour réaliser leur travail d’information.
Le Venezuela est classé 147e sur 180 pays au Classement sur la liberté de la presse établi par RSF en 2020.