Deux ans après la mort de la photographe irano-canadienne, Zahra Kazemi, et alors que sa famille réclame toujours justice, les autorités iraniennes gagnent du temps et entretiennent l'impunité dans cette affaire.
"Cela fait deux ans désormais que la famille de Zahra Kazemi attend que son corps soit exhumé et rapatrié au Canada. Cela fait deux ans que tous les défenseurs de la liberté de la presse à travers le monde attendent que justice soit rendue. Vraisemblablement, les autorités iraniennes en ont décidé autrement. La communauté internationale doit appuyer les démarches du Canada et obliger l'Iran à rendre des comptes sur les circonstances de la mort de Zahra Kazemi", a déclaré l'organisation.
Le gouvernement canadien s'est particulièrement impliqué dans ce dossier. Suite au simulacre de procès qui s'est déroulé en juillet 2004 et qui a disculpé le principal suspect, le Canada a décidé, en mai 2005, de limiter ses relations diplomatiques avec les autorités iraniennes, et ce, jusqu'à ce que l'affaire Kazemi soit éclaircie.
"En lieu et place de la justice, des "séances d'explication" sont organisées par les autorités iraniennes. Nous, les avocats et la famille, voulons un vrai tribunal pour juger et condamner les responsables de ce crime. L'audience du 27 juillet 2005, comme celle du 16 mai, sera également une séance d'explication. Je pense que les coupables cherchent à gagner du temps", a déclaré Shirin Ebadi, avocate de la famille et Prix Nobel de la paix 2003, à Reporters sans frontières.
Ottawa a proposé que trois experts judiciaires, un Canadien, un Iranien et un troisième désigné par les deux parties, procèdent à l'autopsie du corps de la journaliste. Les autorités iraniennes n'ont toujours pas accédé à cette demande.
Il reste de nombreuses questions sans réponse dans cette affaire. L'identité de certains des interrogateurs de Zahra Kazemi n'a pas été révélée. De même, des comptes rendus d'interrogatoires ont été falsifiés et certains témoignages n'ont pas été pris en compte.
Rappel des faits
Zahra Kazemi, journaliste irano-canadienne de 54 ans, résidente au Canada, avait été interpellée, le 23 juin 2003, alors qu'elle photographiait des familles de détenus devant la prison d'Evine, au nord de Téhéran. Battue au cours de sa détention, elle est décédée des suites de ses blessures le 10 juillet. Après avoir tenté de dissimuler les causes de son décès, un rapport d'enquête rendu public par les autorités iraniennes, le 20 juillet, reconnaissait la mort violente mais ne précisait pas l'origine du coup qui lui avait été fatal. Aujourd'hui, seule une autopsie permettrait d'en savoir plus.
Le corps de Zahra Kazemi avait été inhumé dans la précipitation, à Chiraz (sud du pays), le 22 juillet 2003, contre la volonté de son fils, Stephan Hachemi, de nationalité franco-canadienne et résident permanent au Canada. La mère de la journaliste avait reconnu publiquement avoir été victime de pressions pour autoriser l'enterrement en Iran. Depuis, les demandes d'exhumation et de rapatriement du corps au Canada sont restées vaines.
Suite à une enquête parlementaire iranienne et sous la forte pression du Canada et de la communauté internationale, la justice avait désigné un agent des services de renseignements, l'un des interrogateurs de Zahra Kazemi pendant sa détention, comme responsable de sa mort. Celui-ci avait été inculpé avant d'être innocenté lors d'un simulacre de procès, le 24 juillet 2004.
Le 16 mai 2005, la Cour d'appel de Téhéran, a expédié en une heure la première audience de ce nouveau procès. Les avocats de la famille de Mme Kazemi se sont plaints de ne pas avoir été entendus lors de cette séance, qui s'est déroulée en l'absence de l'accusé. Les journalistes, quant à eux, ont été refoulés de la salle d'audience.
Une prochaine audience aura lieu le 27 juillet.