Deux ans après l’abominable assassinat du journaliste Dom Phillips, RSF déplore les lenteurs de la justice brésilienne

Deux après le meurtre du journaliste Dom Phillips, les auteurs et les commanditaires du crime n’ont toujours pas été traduits en justice. Quant aux mesures de protection exigées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) à l’issue de ce drame, elles ne sont toujours pas mises en œuvre. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités brésiliennes à enfin rendre la justice pour ce crime odieux et à garantir la sécurité des journalistes en Amazonie.

Acesse o relatório do balanço das medidas cautelares apresentado pela RSF e organizações parceiras no dia 5 de junho de 2024.

Le 5 juin 2022, le journaliste britannique spécialiste de l’Amazonie et des sujets environnementaux Dom Phillips et le défenseur brésilien des peuples indigènes Bruno Pereira disparaissent dans la vallée du Javari, ​​dans l’État d’Amazonas au Brésil, près des  frontières du Pérou et de la Colombie. Quelques jours plus tard, leurs corps sont retrouvés démembrés, brûlés et enterrés dans une zone marécageuse des rives du fleuve Itacoaí. 

RSF et neuf organisations partenaires ont dès lors plaidé pour la mise en place de mesures pour garantir qu’il n’y ait pas d’impunité dans cette affaire et pour s'assurer que de tels drames ne se reproduisent pas. Un mécanisme de suivi entre l’État brésilien, la société civile et la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) en Amazonie a été instauré afin de veiller à la mise en œuvre des mesures de précautions demandées par la CIDH. 

Mais six mois après le début de ces travaux, auxquels RSF est partie prenante, les avancées de la justice brésilienne sont insuffisantes. Les auteurs du crime et le commanditaire présumé n’ont toujours pas été traduits en justice. Et les menaces qui pèsent sur les journalistes en Amazonie restent manifestes : RSF a dénombré au moins 85 entraves au travail des professionnels dans la zone depuis le meurtre de Dom Phillips. 

“En ce triste anniversaire pour le journalisme environnemental en Amazonie, RSF appelle l’État brésilien à tout mettre en œuvre pour que l’ensemble des personnes impliquées dans  la mort de Dom Philips soient traduites en justice. Il est également urgent que l’ensemble des différentes mesures de précaution demandées par la CIDH soient mises en œuvre. En tant que partie prenante au mécanisme de suivi, RSF attend de l'État une meilleure collaboration avec les organisations internationales et la société civile afin d’assurer des conditions plus sûr à l’exercice du journalisme Il ne peut pas laisser l’Amazonie se transformer en zone de non-droit où les journalistes risquent leur vie en couvrant les questions liées à l'environnement.

Artur Romeu
directeur du bureau Amérique latine de RSF

La justice tourne en rond

Deux ans après ce crime barbare, la justice tourne en rond. Certes, trois pêcheurs braconniers ont été inculpés pour ce double meurtre, ainsi que quatre membres de leur famille du fait d’avoir participé à la dissimulation des corps. Mais aucun n’a encore été jugé. Leur procès a été reporté pour la deuxième fois en avril 2024, sans qu’une nouvelle date ne soit fixée. Le commanditaire présumé, à la tête d'un réseau criminel de pêche et de chasse illégale, a lui été inculpé un an après les faits, ainsi que son bras droit, mais ils n’ont toujours pas été mis en examen. Par ailleurs, contrairement à ce qui est pour le moment avancé dans l’enquête de la police fédérale, le journaliste Dom Phillips ne peut pas être considéré comme une victime collatérale puisqu’il menait un travail d’investigation sur les activités illégales dans la région. 

Les terres brûlées du journalisme en Amazonie

Parmi les mesures pour éviter que les événements à l'origine de l'affaire ne se répètent, et garantir la sécurité des journalistes, le plan d’action élaboré, à partir du 11 décembre 2023, par le mécanisme de suivi prévoit : le renforcement du programme de protection des journalistes en Amazonie, l’amélioration des protocoles pour les enquêtes sur des crimes commis contre la presse, ainsi que la valorisation de l’importance du journalisme dans la région. 

En effet, depuis le meurtre de Dom Phillips et de Bruno Pereira, les entraves au travail des journalistes dans ce territoire reste légion. Parmi les  85 atteintes à la liberté de la presse recensées par RSF en Amazonie brésilienne figurent : des agressions physiques, des attaques armées, des menaces de mort, du vol de matériel, du harcèlement juridique... Nombre des journalistes ciblés travaillent sur les politiques locales et les questions environnementales. En septembre 2023, RSF a publié le rapport Les terres brûlées du journalisme en Amazonie, détaillant les défis auxquels ils font face en Amazonie brésilienne et montrant l’urgence d'une action de l'État.

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