Décisions inquiétantes du Conseil suprême des forces armées contre les médias
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« Nous craignons un tour de vis sécuritaire en Egypte, avec notamment l’utilisation de toutes les ressources de la loi sur l’état d’urgence pour assurer l’ordre et museler les médias. Nous exhortons les responsables du Conseil suprême des forces armées à revenir sur les décisions prises au cours des derniers jours, afin que la liberté de la presse devienne une réalité, six mois après la chute d’Hosni Moubarak », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Dans la soirée du 11 septembre, le Conseil suprême des forces armées a fait des déclarations inquiétantes, prévoyant de recourir à la loi d’urgence à l’encontre de tous les journalistes "menaçant la paix sociale".
Dans la journée, les autorités militaires s’étaient lancées dans une campagne de vérification des licences de seize chaînes satellitaires. Des agents du ministère de la Culture et du personnel de la radio-diffusion publique ont ainsi fait irruption dans les bureaux de la chaîne Al-Jazeera Mubasher Egypt. Après vérification des documents administratifs, les services de sécurité ont confisqué les équipements de transmission mobile (SNG) et ont arrêté le technicien Ahmed Al-Banna avant de le transférer au poste de police d'Al-Agouza.
D’après les informations recueillies, les autorités ont justifié cette intervention par l’absence de licence de la chaîne depuis quatre mois. La chaîne aurait introduit une demande de renouvellement le 20 mars dernier, sans fournir l’ensemble des documents exigés. L’agence de presse officielle MENA a précisé que si la retransmission d’Al-Jazeera Mubasher Egypt était interrompue, Al-Jazeera et Al-Jazeera Mubasher continuaient à être accessibles librement sur Nilesat. Par ailleurs, des riverains auraient porté plainte contre la chaîne, l’accusant de "semer la dissension" et d’"appeler à manifester".
La chaîne continue sa diffusion sur la même fréquente, non plus depuis les studios situés dans le quartier d’Al-Agouza, mais depuis ses studios basés au Qatar.
Cette campagne de vérification des licences est intervenue 48 heures après la couverture, par la chaîne, de l’attaque de l’ambassade d’Israël au Caire. Les scènes de chaos diffusées ont provoqué de nombreuses critiques sur la gestion des événements par les autorités, les observateurs dénonçant la passivité des forces de l’ordre. Au cours de cette attaque, de nombreux journalistes ont été pris pour cibles par la foule.
Au plus fort de la révolution, le ministre de l’Information, Anas el-Fekki, avait déjà décidé de fermer les bureaux de la chaîne Al-Jazeera dans la capitale égyptienne le 30 janvier 2011 et d’annuler toutes les autorisations des employés de la chaîne. Le lendemain, cinq journalistes du canal anglophone de la chaîne (Egyptiens et étrangers) avaient été arrêtés pour être interrogés pendant une heure et demi, et leurs caméras et enregistrements saisis. Jusqu’alors, Al-Jazeera avait couvert en continu l’insurrection en Égypte.
Afin de contourner la censure, la chaîne a appelé les blogueurs égyptiens à lui envoyer directement des informations concernant la situation sur place ainsi que des images prises avec leurs téléphones portables.
Cette campagne intervient également quelques jours après la décision prise, le 7 septembre, par le ministre de l’Information, de geler temporairement l’octroi de licences pour les chaînes de télévision satellitaires qui en avaient fait récemment la demande. Sans pour autant préciser la durée de cette décision. Il a également menacé d’autres canaux audiovisuels, les accusant d’ "indiscipline", déclarant charger "l’autorité des investissements de prendre des mesures légales contre les chaînes satellitaires qui nuisent à la stabilité et à la sécurité".
En outre, le 11 septembre, le juge Mustafa Hassan Abdullah a demandé le huis clos dans le procès de la « bataille des chameaux » (à l’exception du rendu du verdict), tout comme son confrère Ahmed Refaat qui avait interdit la présence des journalistes lors de l’audience du 7 septembre dernier pour le procès d’Hosni Moubarak. L’audience avait été ajournée au lendemain.
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Updated on
20.01.2016