Coronavirus : RSF demande la libération d’un reporter en Azerbaïdjan
Alors qu’il réalisait un reportage, un journaliste indépendant a été condamné pour avoir "enfreint les mesures de quarantaine". Reporters sans frontières (RSF) dénonce une sanction abusive et demande sa libération immédiate.
Les autorités azerbaïdjanaises instrumentalisent la crise sanitaire pour accroître la répression envers les voix critiques du pouvoir. Natig Isbatov, journaliste indépendant, a ainsi été condamné le 10 avril à trente jours de détention administrative pour "violation de la quarantaine" (article 211 du Code administratif) et "résistance à la police" (article 535). La veille, il avait été arrêté lors d’un rassemblement devant un centre d’aide à l’emploi à Bakou. Selon ses confrères, il venait d’interviewer une femme qui s’était vue refuser une aide sociale après avoir perdu son travail pendant l’épidémie de coronavirus.
"L’utilisation abusive des mesures de quarantaine pour cibler des journalistes est un pas de plus vers la répression de la presse indépendante en Azerbaïdjan, dénonce la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Les autorités ne tiennent pas leurs promesses de protéger les journalistes. Nous condamnons fermement la détention de Natig Isbatov et demandons sa libération immédiate."
Depuis le début de la crise sanitaire, les autorités azerbaïdjanaises ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté de contrôler l’information sur l’épidémie. Amendée le 17 mars, la loi sur l’information permet à présent de poursuivre les propriétaires des médias en ligne qui diffusent du contenu inexact ou dangereux. Cette mesure risque d’entraver le travail des journalistes qui couvrent l’épidémie. Ils sont par ailleurs fortement incités à reprendre uniquement les informations officielles du Cabinet spécial sur le COVID-19, créé le 27 février. Parallèlement, le bureau du procureur général a averti les utilisateurs des réseaux sociaux qu’en cas de diffusion de fausses informations, tous les signalements allaient être contrôlés et "les fautifs punis". Plus de 120 personnes ont ainsi reçu des avertissements de la police, selon l’ONG Election Monitoring and Democracy Studies (EMDS), basée à Bakou.
La proximité avec des opposants, dont les actions sont plus facilement suivies en période de confinement, représente un danger supplémentaire pour les journalistes. Le 20 avril, après avoir interviewé le chef du Parti du front populaire azerbaïdjanais (PPFA) et assisté au procès du vice-président du parti Musavat à la cour d’appel de Bakou, Teymour Kerimov a été suivi puis attaqué par quatre individus qui lui ont confisqué sa caméra, son ordinateur portable et la carte mémoire contenant l'interview. Ce n’est pas le premier épisode de censure subi par ce journaliste du média en ligne Azad Soz.
L’Azerbaïdjan occupe la 168e place au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF, en baisse de deux places par rapport à 2019.