L'avocat Mohammed Abbou a été condamné tôt ce matin à trois ans et demi de prison pour avoir diffusé de "fausses informations" sur Internet. Reporters sans frontières dénonce une "mascarade de procès" et demande aux Etats démocratiques de conditionner leur venue au Sommet mondial sur la société de l'information à la fin de la répression de l'Internet tunisien et à la libération de l'avocat.
L'avocat Mohammed Abbou a été condamné, dans la nuit du 28 au 29 avril, à trois ans et six mois de prison. Il a été reconnu coupable d'une agression physique datant de 2002 et d'avoir diffusé "de fausses informations" sur Internet. Reporters sans frontières dénonce une "mascarade de procès".
"Mohammed Abbou a été condamné à l'issue d'un procès qui a bafoué les règles les plus élémentaires du droit. Les charges retenues contre lui sont sans fondement. Il est en réalité sanctionné pour avoir critiqué sur Internet la corruption du pouvoir tunisien. L'ironie est cruelle : il sera en prison lorsque s'ouvrira à Tunis, en novembre 2005, le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), une conférence sur la circulation de l'information sur le Réseau. Nous appelons les Etats démocratiques à conditionner leur venue au SMSI à la fin de la répression de l'Internet tunisien et à la libération de Mohammed Abbou.
L'avocat, qui avait été arrêté le 1er mars 2005, a été jugé dans le cadre de deux affaires. Il a été condamné à deux ans de prison pour avoir prétendument agressé physiquement l'un de ses confrères, en 2002, lors d'une conférence. Les avocats de Mohammed Abbou ont refusé de plaider concernant ce dossier, dont ils n'ont pris connaissance que quelques jours avant l'audience. Selon la militante des droits de l'homme et avocate Radhia Nasraoui, "aucun élément tangible n'est venu appuyer cette accusation, à part une attestation médicale non signée et sans valeur juridique. De nombreux témoins auraient pu attester qu'aucune agression n'a été commise lors de cette conférence de 2002."
Dans le second dossier, Mohammed Abbou a été condamné à un an et demi de prison pour avoir publié sur le site Tunisnews, en août 2004, un article dans lequel il comparait les tortures infligées en Tunisie à des prisonniers politiques aux exactions de soldats américains à Abou Ghraib. Toutefois, selon de nombreux observateurs présents au procès, sa condamnation serait due en réalité à un autre article, publié sur Internet quelques jours avant son arrestation, dans lequel il critiquait l'invitation faite à Ariel Sharon d'assister au SMSI et dénonçait, sur un ton ironique, la corruption de la famille du Président. Selon un autre de ses avocats, Ayadi Raous, Mohammed Abbou est aujourd'hui "l'otage personnel de Ben Ali".