Cambodge : trois reporters de Mother Nature Cambodia emprisonnés pour “incitation au crime”

A la fois journalistes et activistes environnementaux, ils ont été arrêtés en lien avec un reportage consacré à la destruction d’un lac situé en banlieue de Phnom Penh. Reporters sans frontières (RSF) exige leur libération immédiate et inconditionnelle.

Cela fait bientôt un mois qu’ils croupissent derrière les barreaux d’une prison de Phnom Penh. Trois reporters qui travaillent pour le site Mother Nature Cambodia (MNC), Long Kunthea, Phuon Keoreaksmey et Thon Ratha, ont été arrêtés le 3 septembre, avant d’être placés trois jours plus tard en détention préventive par un juge pour “incitation au crime ou au trouble social”. 


En fait de crime, ils ont enquêté sur les travaux de remplissage du lac de Boeung Tamok, en banlieue de Phnom Penh. Dans une vidéo, rendue depuis inaccessible, Mother Nature Cambodia révèle comment le ministère de la défense a pris possession du site pour en combler 300 hectares et y dresser une base militaire, au mépris des conséquences désastreuses sur l’environnement. 


“Dans un pays comme le Cambodge, où le gouvernement s’est soigneusement attaché à éliminer toute presse indépendante ces trois dernières années, ce sont désormais des structures comme Mother Nature Cambodia qui prennent le relais pour délivrer une information libre et fiable, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. La détention de trois de leurs enquêteurs est une nouvelle étape dans la fuite en avant du gouvernement Hun Sen vers une société aux accents totalitaires. Ils doivent être libérés immédiatement.”   


Média alternatif


En septembre 2017, deux membres de Mother Nature Cambodia avaient déjà été jetés en prison pour le même chef d’accusation d’incitation au crime. Cette fois, Dem Kundy et Hun Vannak avaient été arrêtés alors qu’ils filmaient des barges en train d’extraire d’immenses quantités de sable, dans le cadre d’un reportage sur le trafic illégal de silicates. 


Mother Nature Cambodia est apparue comme une forme alternative de média en 2012, aux confins du journalisme et de l’activisme, avec une première enquête dénonçant l’exploitation à grande échelle des bois rares représentant des centaines de millions de dollars, par l’Etat cambodgien ou par de puissants magnats liés aux plus hautes sphères de la dictature.


Dans un rapport publié le 22 août dernier, “jour du dépassement”, RSF avait révélé des informations alarmantes sur les journalistes qui travaillent sur les questions environnementales : au moins dix d’entre eux ont été tués et plus de 50 violations de la liberté de la presse liées à cette thématique ont été enregistrées en moins de cinq ans dans le monde. 


Le Cambodge, pour sa part, se situe à la 144e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.

Publié le
Updated on 30.09.2020