Burundi : 10 ans de prison pour une animatrice d'émissions de radio critiques du pouvoir

Mise à jour du 15/02/24 : La Cour suprême siégeant en chambre de cassation à Bujumbura a rejeté le recours de la journaliste Floriane Irangabiye et a confirmé sa peine de dix ans de prison.

 

Une journaliste burundaise accusée de “porter atteinte à l’intégrité du territoire national” a écopé de dix ans de prison ferme. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une peine sévère et arbitraire, aboutissement d’une procédure inique.

C’est une lourde peine pour des accusations fallacieuses. Un tribunal burundais a condamné, le 3 janvier 2023, la journaliste Floriane Irangabiye à dix ans de prison et à une amende d’un million de francs burundais (environ 450 euros). L’animatrice de la radio en ligne Igicaniro est reconnue coupable “d’atteinte à la sûreté intérieure du territoire national”, sur la base de l’article 611 du Code pénal. Un article “flou et généralement utilisé pour condamner des mercenaires”, précisent ses avocats. 

 

Des chefs d’accusation sans fondement

Les motifs d'accusation dont fait l’objet Floriane Irangabiye demeurent flous et sans réel fondement. Ses avocats, qui comptent faire appel dans les trente jours, estiment qu’il n’existe pas d’éléments constitutifs de l’infraction “atteinte à la sûreté intérieure du territoire national”. On lui reproche des émissions critiques contre les autorités burundaises dans un pays voisin, le Rwanda.

La justice lui reproche également de n’avoir “pas pu présenter de carte de presse, alors qu’elle prétend être journaliste”. Cette carte est exigée depuis le 1er décembre 2022 pour tous les journalistes exerçant dans le pays. Pourtant, Floriane Irangabiye n’exerce pas au Burundi et était en visite familiale lors de son arrestation. Son média n’est, de plus, pas reconnu par le Conseil national de la communication, le seul organe qui délivre la carte de presse.

Cette lourde peine est extrêmement préoccupante et montre que Floriane Irangabiye était particulièrement ciblée par les autorités en raison de son travail de journaliste. Cette déplorable attaque contre la liberté de la presse est un message envoyé à toutes les voix critiques pour les faire taire. Les autorités ont été incapables de fournir la moindre  preuve tangible à l'appui de leurs accusations fallacieuses. Cette décision de justice doit être annulée, et la journaliste libérée immédiatement.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Une longue détention abusive



Floriane Irangabiye vit au Rwanda depuis 2015, où elle anime des émissions pour la radio Igicaniro montée par l'association Fraternité regroupant des Burundais vivant en exil, essentiellement au Rwanda. La journaliste invite régulièrement dans son émission des personnalités burundaises, souvent critiques envers le gouvernement, pour échanger sur les enjeux de gouvernance du pays.

En voyage au Burundi, la journaliste a été arrêtée le 30 août 2022 par le Service national de renseignement (SNR), un organe dépendant directement de la Présidence de la République. Incarcérée sans inculpation à la prison centrale de Mpimba à Bujumbura, à l’ouest du Burundi, elle avait été transférée en pleine nuit, sans notification et sans motif au début du mois d’octobre à l’autre bout du pays, dans la prison de Muyinga, au nord-est.. Elle a finalement été inculpée après deux mois de détention et a comparu le 16 décembre 2022.

Détenue dans une prison où sont habituellement détenus les prisonniers originaires de la région, la journaliste demeure loin de ses proches et de sa famille. Il s’agit d’une “mutation sanction” selon ses avocats, contactés par RSF. Ils considèrent également que des dispositifs, comme des fouilles au corps systématiques, ont été mis en place afin de dissuader ses proches de lui rendre visite. 

L’exercice du journalisme reste difficile au Burundi depuis la crise politique de 2015, pendant laquelle les journalistes étaient contraints à l’exil ou traînés devant les tribunaux pour y être condamnés à de lourdes peines injustifiées. Le paysage médiatique s’était alors appauvri. Iwacu, le média le plus lu du pays, a quant à lui été bloqué à partir de 2017, mais il a pu continuer son activité grâce aux différents sites créés par RSF pour contourner cette censure. Le déblocage officiel du site est intervenu en décembre 2022.

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