Belarus : un journaliste d’investigation risque dix ans de prison pour avoir critiqué la stratégie du président contre l’épidémie de Covid-19
Le rédacteur en chef d’un journal en ligne a été arrêté et risque jusqu’à dix ans de prison pour corruption. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une campagne d’intimidation des autorités biélorusses et demande sa libération immédiate.
Le rédacteur en chef du quotidien en ligne biélorusse Ejednevnik Sergueï Satsouk a été arrêté et inculpé de « corruption », un crime passible de dix ans de prison. Depuis l’arrestation le 25 mars, le journal a suspendu son activité pour n’informer ses lecteurs que de l’évolution de l’affaire. Trois jours plus tôt, Ejednevnik, célèbre pour ses enquêtes sur le système de santé du pays, avait publié un éditorial intitulé « Qui sème la panique sur le coronavirus, le président ou les sites et chaînes TV ? », mettant en doute les statistiques officielles sur l’épidémie de Covid-19. L’article critiquait aussi l’ordre donné par le président Loukachenko de « s’occuper » des médias couvrant l’épidémie.
Le lendemain, des policiers de la brigade financière ont perquisitionné les locaux du journal et saisi divers documents. Quatre employés de la publication (trois journalistes au moins et un comptable) ont été entendus comme témoins. Enfin, dernier épisode en date, le domicile du journaliste ainsi que celui de ses voisins ont été fouillés le 27 mars.
« Cette arrestation sonne comme un avertissement aux médias qui remettent en cause la politique sanitaire des autorités biélorusses, dénonce la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale, Jeanne Cavelier. Nous demandons la libération immédiate de Sergueï Satsouk et l’abandon de toutes les poursuites contre lui. Cette criminalisation du journalisme au Bélarus créée un climat d’autocensure inacceptable. »
En août 2019, Sergueï Satsouk avait publié une enquête dévoilant une vaste affaire de corruption dans le secteur de l’importation de médicaments. Suite à ces révélations, plusieurs hauts responsables du ministère de la santé avaient été poursuivis par la justice. A l’époque, des médias pro-gouvernementaux tels que Belarus Today et la chaîne Belarus 1 l’avaient accusé de corruption et de partialité dans la couverture de l’affaire.
Sergueï Satsouk s’attendait à des représailles. Il avait envoyé il y a quelques mois une lettre ouverte à La Radio européenne pour la Biélorussie, une station de radio indépendante basée en Pologne, et demandé qu’elle soit publiée en cas d’arrestation.
Dans cette lettre, il raconte que peu après la publication d’un article en janvier 2019 sur les coûts du système de don du sang dans le pays, le représentant d’un homme d’affaires du secteur pharmaceutique lui avait rendu visite pour lui rappeler que « la vie et la liberté ont peu de valeur au Bélarus ».
Le Bélarus occupe la 153e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF.