Befekadu Hailu, blogueur de Zone 9 et lauréat du prix RSF 2015, arrêté
Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de l’incarcération depuis le 11 novembre 2016 de Befekadu Hailu, blogueur du collectif Zone 9, et lauréat du prix RSF pour la liberté de la presse 2015 dans la catégorie journaliste-citoyen. Depuis l’instauration de l’état d’urgence le 9 octobre 2016, les mesures gouvernementales attentatoires à la liberté de l’information se multiplient en Ethiopie.
Le journaliste-citoyen Befekadu Hailu a été arrêté par les forces de sécurité et placé en détention le 11 novembre, a rapporté son entourage à l’Agence France Presse. Zone 9 explique sur sa page Facebook que le blogueur a été interpellé en raison d’une interview donnée sur VOA en amharique le 31 octobre dernier. Il serait détenu au commissariat de Kotebe.
Le harcèlement des blogueurs de Zone 9 se poursuit, un an après leur libération.
Befekadu Hailu fait partie de sept membres du collectif de blogueurs Zone 9 et lauréat du Prix RSF qui étaient poursuivis en justice en vertu de la loi antiterroriste éthiopienne. Six d’entre eux, dont lui, avaient été arrêtés en avril 2014, poursuivis pour “avoir travaillé avec des organisations étrangères se proclamant activistes des droits de l’homme et reçu des financements pour inciter le public à la violence à travers les médias sociaux”. Quatre avaient été acquittés des charges retenues contre eux en octobre 2015, quelques jours avant un voyage de Barack Obama dans le pays. Une autre déjà en exil était poursuivie in absentia et deux autres avaient été libérés plus tôt en juillet sur ordre du ministre de la Justice. Le procureur avait alors fait appel de la décision d'acquittement devant la Cour Suprême. L’audience de cet appel doit se tenir le 15 novembre 2016.
“Reporters sans frontières exige la libération sans délai et sans charge du journaliste-citoyen Befekadu Hailu, déclare Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF. Nous appelons également la Cour Suprême à confirmer la décision de la haute cour de justice et à acquitter les blogueurs de Zone 9. L’accusation n’avait pu faire la preuve des charges retenues contre eux à l’époque, et le dossier n’a pas été alimenté depuis.”
Le 4 octobre dernier, un autre membre de Zone 9, Natnael Feleke avait une nouvelle fois été interpellé par la police et relâché sous caution 48 heures plus tard, pour avoir évoqué dans un lieu public la répression du gouvernement.
En novembre 2015, le représentant de Zone 9, Zelalem Kibret, n’avait pu se rendre en France pour recevoir le prix RSF, les autorités ayant confisqué son passeport, à nouveau sans explication, alors qu’il allait prendre l’avion.
Depuis l’instauration de l’état d’urgence, l’étau se resserre sur les espaces d’information et d’expression en Ethiopie.
Ces arrestations s’inscrivent dans le contexte de l’état d’urgence décrété par le pouvoir en place depuis le 9 octobre 2016, et qui durcit encore davantage les conditions déjà extrêmement restrictives dans lesquelles doivent évoluer les acteurs de l’information éthiopiens.
Instauré afin d’étouffer les manifestations de la communauté oromo, dont la répression violente a déjà fait des dizaines de morts, l’état d’urgence prévoit plusieurs mesures liberticides concernant les médias. La consultation, la diffusion ou le simple partage sur les réseaux sociaux d’informations en provenance des chaînes de télévision de la diaspora basée aux Etats-Unis Ethiopian Satellite Radio and Television (ESAT) et Oromo Media Network ont été déclarées illégales et passibles de trois à cinq ans de prison, car ses chaînes “appartiendraient à des organisations terroristes”.
Le 9 octobre, l’unique fournisseur de services internet, Ethiocell, a suspendu la connexion à internet dans la majeure partie du pays, dont la capitale Addis Abeba. Une mesure qui n’était toutefois pas inconnue des Ethiopiens. En effet, cela faisait déjà plusieurs semaines que l’internet mobile avait été suspendu dans les régions Oromo et Amhara, face à la montée des contestations contre le gouvernement. Les réseaux sociaux sont ainsi rendus inaccessibles ainsi que toutes les applications fonctionnant par VoIP (Voice Over Internet Protocole) qui permettent de passer des appels par internet tels que Skype. A ce jour, les réseaux sociaux et l’internet mobile restent bloqués.
Les conséquences sur la presse écrite se font sentir également. Le mensuel anglophone Addis Standard, l’un des seuls journaux indépendants du pays, a annoncé le 25 octobre 2016, l’arrêt de ses publications et le licenciement d’une douzaine de ses 23 employés. En effet, le journal ne trouve plus d’imprimeurs pour produire le journal. Selon Tsedale Lemma, co-fondatrice et rédactrice du journal parlant à l’Agence France Presse (AFP), leurs avocats leur ont simplement conseillé “de ne plus imprimer quoi que ce soit de politique”.
L’Ethiopie est classée au 142ème rang sur 180 pays dans l’édition 2016 du Classement de la liberté de la presse établi par RSF. Pour plus d’information sur l’Ethiopie, cliquez ici.