Bangladesh : après Rozina Islam, d’autres journalistes attendent la fin de leur calvaire judiciaire
Plus de trois ans après son inculpation pour “espionnage”, les poursuites infondées contre la journaliste d’investigation Rozina Islam ont enfin été abandonnées, le 14 août. Alors qu’au moins sept professionnels des médias sont toujours poursuivis pour leur travail journalistique, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités bangladaises à abandonner les charges les visant, ainsi qu’à annuler la peine d’emprisonnement contre le journaliste en exil Bashir Akon.
Son cauchemar judiciaire de trois ans et trois mois à peine terminé, la journaliste d’investigation Rozina Islam pense déjà aux “batailles qu’il reste à mener”, alors que son pays est en proie aux troubles, depuis la démission de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina. “Je veux poursuivre mon travail de journaliste,” assure à RSF cette professionnelle lauréate de nombreux prix internationaux, rattachée au quotidien bengalophone Prothom Alo, en dépit de la montée des violences contre les professionnels des médias.
Depuis son inculpation, en mai 2021, pour “espionnage” pour avoir enquêté sur le ministère de la Santé, Rozina Islam vivait sous la menace de la peine de mort, en vertu d’une loi sur les secrets d’État. Resté entre les mains des enquêteurs criminels (Police bureau of investigation), qui ont saisi son passeport, son dossier a finalement été clos par un juge, le 14 août, soit trois ans et trois mois après son arrestation.
“Après trois ans passés sous l’épée de Damoclès d’une sentence de peine de mort, la fin des poursuites injustes visant Rozina Islam est un immense soulagement pour la journaliste, ses proches et les défenseurs de la liberté de la presse. Cette décision doit marquer un changement de cap au Bangladesh. Le gouvernement intérimaire dirigé par l’économiste Muhammad Yunus doit aller plus loin pour mettre un terme à quinze années de chape de plomb sur la presse durant le règne de Sheikh Hasina. RSF demande la fin des poursuites iniques visant tous les autres journalistes.
Un journaliste condamné, au moins sept autres poursuivis
En juin, le journaliste en exil Bashir Akon, rattaché au média Pathargata News, a été condamné à trois ans d’emprisonnement en vertu d’une loi sur la sécurité en ligne adoptée en 2018, complétant une précédente loi sur les technologies de l’information et de la communication datant de 2016. En 2023, le gouvernement a de nouveau renforcé cet arsenal législatif de censure des journalistes en ligne, principal outil de répression utilisé contre les professionnels des médias.
RSF a recensé au moins sept journalistes toujours en attente de procès dans le cadre de procédures judiciaires, sous couvert de ces lois sur la cybersécurité :
- Golam Mujtaba Dhruba, journaliste pour le site d’information bdnews24.com : arrêté en 2017 et libéré sous caution
- Shahidul Alam, photographe de presse : arrêté en 2018 et libéré sous caution
- Henry Swapan, éditorialiste et journaliste : arrêté en 2019 et libéré sous caution
- Shafiqul Islam Kajol, photographe de presse : enlevé et emprisonnée en 2020, vit en exil depuis sa libération sous caution
- Sushanta Dasgupta, journaliste pour le quotidien Amar Habiganj : inculpé et emprisonné en 2020, il vit en exil depuis sa libération sous caution
- Shamsuzzaman Shams, journaliste au quotidien Prothom Alo : inculpé en 2023 puis libéré sous caution
- Matiur Rahman, directeur de la publication du quotidien Prothom Alo : inculpé en 2023 puis libéré sous caution
Selon des données du groupe de réflexion bangladais Centre for Governance Studies, 255 professionnels des médias ont été inculpés pour leur travail journalistique sous le coup de la loi sur la cybersécurité de 2018. Entre 2023 et 2024, le Bangladesh a chuté de la 163e à la 165e place, sur 180 pays, au Classement RSF de la liberté de la presse dans le monde.