Bénin : l’interdiction de sites d’information, une nouvelle forme de censure selon RSF
L’organe de régulation de la presse béninoise a sommé des sites d’information en ligne opérant sans autorisation de fermer sans délai. Reporters sans frontières (RSF) craint une nouvelle forme de censure des médias dissidents.
La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), instance de régulation des médias béninois, a publié le 8 juillet un discret communiqué intimant aux “médias en ligne de mettre fin à toutes publications sous peine de se voir appliquer la rigueur de la loi”. L’autorité dit avoir constaté “une création tous azimuts de médias en ligne sans autorisation préalable”, mais reste floue sur les contours de cette nouvelle interdiction. “Il y a des gens qui ne répondent pas aux enquêtes de moralité”, a expliqué le porte-parole de la HAAC, Fernand Gbaguidi, lors d’une conférence de presse. Pour lui, “cela constitue un danger pour le pays”.
"Il est surréaliste de procéder à des enquêtes de moralité, comme condition d'attribution d'autorisation pour exploiter un site d'information. S'agissant de médias en ligne, aucune considération technique ou de rareté ne justifie un tel régime d'autorisation préalable qui ouvrirait la voie à la censure préalable par les autorités, et serait préjudiciable à une presse libre et indépendante’’, déclare Assane Diagne, directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF.‘
"Nous exhortons le Bénin à respecter ses engagements internationaux. La liberté d'expression ne peut être restreinte qu'a posteriori, quand un abus est commis, conformément à l'article 19 du pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le pays est partie."
Des entraves à la liberté de la presse sont régulièrement signalées au Bénin depuis l’arrivée au pouvoir du président Patrice Talon, en 2016.
Le journaliste Ignace Sossou de Bénin Web TV vient de passer six mois en prison pour avoir été condamné le 24 décembre 2019 à 18 mois de prison ferme pour “harcèlement par le biais de moyens de communication électronique”. Il avait relayé sur les réseaux sociaux des propos du procureur de la République tenus au cours d’un atelier de travail organisé par l’agence française de développement médias (CFI). C'est la première fois en Afrique de l'ouest qu'un journaliste est incarcéré pour avoir rapporté fidèlement des propos d'intérêt public.
En décembre 2019,t, la radio Soleil FM de l’opposant Sébastien Adjavon a été suspendue à la suite du refus de la HAAC de renouveler sa licence. La connexion a été coupée lors des élections législatives organisées au mois d’avril de la même année. En mai 2018, La Nouvelle Tribune, quotidien réputé proche de l’opposition, a lui aussi été suspendu pour une série de propos jugés injurieux et outrageants à l’égard du chef de l’Etat. En décembre 2016, la HAAC avait ordonné la fermeture de quatre médias audiovisuels réputés proches de l’opposition. Depuis, trois d’entre eux ont pu rouvrir, mais Sikka TV, qui appartient à Sébastien Ajavon, est toujours privée d’antenne malgré une décision de justice de mai 2017 ordonnant sa réouverture.
Le Bénin occupe la 113e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.