Bénin : Ignace Sossou condamné mais bientôt libre
Reporters sans frontières (RSF) se réjouit que le journaliste d’investigation béninois puisse retrouver la liberté prochainement après sa condamnation en appel à une peine de six mois de prison ferme. RSF dénonce néanmoins une décision lourde, injustifiée et très dangereuse pour l’avenir du journalisme dans le pays.
La Cour d’appel de Cotonou s’est montrée plus clémente mais sa décision pourrait avoir de très lourdes conséquences sur l’exercice du journalisme au Bénin. Initialement condamné à 18 mois de prison pour “harcèlement par le biais de moyens électroniques” en décembre 2019, le journaliste d’investigation du site d’information Bénin Web TV Ignace Sossou a vu sa peine réduite à 12 mois de prison dont six avec sursis, assortie d’une amende de 500 000 francs CFA (environ 762 euros). Cette fois, les magistrats disposaient pourtant de toutes les preuves de l'innocence totale du journaliste. Poursuivi pour avoir relayé sur les réseaux sociaux les propos d’un procureur tenus au cours d’un atelier sur la désinformation, le journaliste avait bien repris fidèlement les propos de ce dernier comme l’avait montré RSF dans une vidéo.
“Cette décision nous laisse un sentiment partagé. Après des mois d’intense mobilisation, nous nous réjouissons que ce journaliste puisse retrouver prochainement la liberté mais nous continuons à dénoncer une condamnation extrêmement lourde et complètement injustifiée, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Cette condamnation crée aussi un précédent dangereux : au nom de la lutte contre la désinformation en ligne, un journaliste ayant rapporté fidèlement des propos d’intérêt public est condamné à une peine de prison. Les journalistes béninois savent désormais qu’ils sont exposés à l’arbitraire. C’est un recul inédit et historique pour le Bénin.”
Le journaliste et ses avocats ont désormais trois jours pour décider s’ils se pourvoient en cassation.
Les inquiétudes concernant la condamnation et l’emprisonnement d’Ignace Sossou ont largement dépassé les frontières du Bénin. Le 13 mars, dans une tribune commune inédite à laquelle s’est jointe RSF, plus de 120 médias et journalistes d’Afrique de l’Ouest ont demandé la libération du journaliste d’investigation.
Au début du mois d’avril, RSF et plus de 80 organisations ont également écrit à 10 chefs d'État africains, dont le président du Bénin, Patrice Talon, pour demander la libération de tous les journalistes en détention pour leur travail afin d'atténuer les risques d'exposition au coronavirus.
Détention arbitraire d’un journaliste n’ayant commis aucune infraction, suspension de médias proches de l’opposition, ingérence dans la liberté éditoriale des rédactions, le Bénin a perdu 17 places, soit la troisième plus forte chute de l’édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse que vient de publier RSF. Le pays occupe désormais la 113e place sur 180.