Azerbaïdjan : RSF appelle la communauté internationale à redoubler d’efforts pour obtenir la libération de Mehman Huseynov
Trois semaines après le début de sa grève de la faim et malgré une campagne de solidarité croissante, les autorités azerbaïdjanaises refusent toujours de libérer le blogueur Mehman Huseynov. Reporters sans frontières (RSF) appelle la communauté internationale à redoubler d’efforts pour obtenir la levée des nouvelles accusations portées contre lui.
Le régime d’Ilham Aliev reste pour l’heure sourd aux appels qui se multiplient pour la libération de Mehman Huseynov. En prison depuis 2017, le blogueur entame ce 16 janvier sa quatrième semaine de grève de la faim. A la demande de sa famille, il a recommencé à boire et à se sustenter en calcium. Il proteste contre les nouvelles accusations fallacieuses portées contre lui à quelques mois de la fin de sa peine, et qui pourraient lui valoir sept ans de détention supplémentaires.
Le combat du blogueur suscite une campagne de solidarité remarquable en Azerbaïdjan, où la société civile est violemment réprimée. Une vingtaine de dissidents ont entamé à leur tour une grève de la faim pour exiger la libération du blogueur et des autres prisonniers politiques. Parmi eux, les célèbres journalistes Khadija Ismaïlova et Tofig Yagublu, leurs confrères emprisonnés Fikret Faramazoglu et Elchin Ismayilli, ou encore le blogueur Rachad Ramazanov, lui aussi derrière les barreaux. D’autres journalistes et activistes ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 25 jours de détention pour avoir manifesté en soutien à Mehman Huseynov, début janvier.
Alors que les appels à la libération de Mehman Huseynov se multiplient en Europe et aux Etats-Unis, Bakou se borne pour l’heure à assurer que le blogueur est en bonne santé et à accuser des forces “anti-azerbaïdjanaises” d’exploiter la situation. Les autorités pénitentiaires ont toutefois autorisé son père et des diplomates à lui rendre visite.
“Seule une mobilisation internationale forte et durable pourrait inciter Bakou à remettre Mehman Huseynov en liberté et à cesser de harceler les dernières voix critiques, estime Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Il est urgent de mettre un terme à l’impunité du régime d’Ilham Aliev : nous appelons la communauté internationale à mettre en place des sanctions ciblées contre les personnalités impliquées dans la répression et à conditionner l’approfondissement des relations à la restauration du pluralisme et de l’Etat de droit.”
RSF encourage le Parlement européen à voter la résolution d’urgence qui lui sera soumise le 17 janvier et qui va dans ce sens. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a elle aussi annoncé qu’elle débattrait de la détérioration des droits humains en Azerbaïdjan lors de sa prochaine session.
Mehman Huseynov est en prison depuis mars 2017 pour “diffamation” envers le policier qu’il désignait comme son tortionnaire lors d’une précédente interpellation. Connu pour ses enquêtes sur la corruption des hautes sphères et ses critiques du régime, il est par ailleurs président de l’Institute for Reporters’ Freedom and Safety (IRFS), une organisation de défense de la liberté de la presse qui a déjà payé un lourd tribut à la répression. Son frère, le directeur de l’association Emin Huseynov, a été contraint à l’exil. Leur mère est décédée en août sans que le blogueur soit autorisé à lui rendre une dernière visite.
L’Azerbaïdjan occupe la 163e place sur 180 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2018. Les principaux médias critiques ont été réduits au silence ou à l’exil, les principaux sites d’information indépendants sont bloqués, pas moins de dix journalistes sont emprisonnés, et les activités des ONG de soutien aux médias sont criminalisées. Les nouvelles accusations portées contre Mehman Huseynov s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle vague de répression contre les dernières voix critiques.