Azerbaïdjan - Arménie : les forces russes empêchent des journalistes étrangers d’entrer sur le territoire du Haut-Karabakh

Sécurisé par les soldats russes de maintien de la paix depuis la fin de la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie à l’automne dernier, le Haut-Karabakh se ferme aux journalistes étrangers. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités russes à cesser cette obstruction et demande à l’ONU et au Conseil de l’Europe de faire respecter le droit à la liberté d’information.

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Si les armes se sont tues après un mois et demi de combats sanglants, à l’automne 2020, le contrôle de l’information s’est renforcé dans le Haut-Karabakh, territoire peuplé d’Arméniens situé en Azerbaïdjan. Depuis la mi-février, au moins une dizaine de journalistes étrangers occidentaux se sont vus refuser l’entrée de cette enclave par les forces russes de maintien de la paix, qui contrôlent le passage du corridor de Latchine reliant l’Arménie à ce territoire disputé. 


C’est le cas du photographe français Christophe Petit-Tesson qui explique : "En janvier, j’avais pourtant passé plusieurs jours sur place, les règles ont changé depuis.” Journaliste pour le magazine Enquête Exclusive sur M6, Vincent Prado, a vu sa demande d’entrée refusée plusieurs fois par la partie russe, sans explication. Mêmes refus inexpliqués pour le Canadien Neil Hauer, qui travaille notamment pour le Guardian et CNN, ou encore le Britannique Mark Stratton, qui a décrit sa déconvenue au micro de la BBC. Le photographe Kiran Ridley, lui, a reçu l’autorisation de passer mais a finalement été refoulé au checkpoint russe, le 4 avril. Jonathan Walsh et Mohamed Farhat de France 24 font partie des seuls journalistes à avoir réussi à traverser le corridor de Latchine début mars, non sans difficultés, grâce à un contact privilégié sur place.


“Un nombre croissant de journalistes étrangers se heurte à un refus systématique des soldats russes, dénonce la responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Aucune raison objective ne justifie cette obstruction : les reporters ne sont pas une menace pour la sécurité de ce territoire qui est assurée par les troupes de maintien de la paix. En revanche, sans la presse internationale, le Haut-Karabakh risque de devenir un “trou noir” de l’information. RSF demande aux autorités russes de permettre l’accès des journalistes, quelle que soit leur nationalité, et appelle l’ONU et le Conseil de l’Europe à faire respecter le droit à la liberté d'information, d'autant plus impérieux en situation de conflit ou de post-conflit.”


L’accord de cessez-le-feu, signé le 9 novembre 2020 par les dirigeants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie sous l’égide de la Russie, ne prévoit aucune disposition spécifique pour l’entrée des journalistes sur le territoire. Le consulat de la République non reconnue de l’Artsakh ou le ministère des Affaires étrangères arménien fournissent une accréditation, mais ce sont les forces russes de maintien de la paix qui accordent ou non la permission d’entrée aux citoyens étrangers. Des décisions dont ils sont informés la veille au soir. Les Arméniens et les Russes, eux, peuvent passer avec leur passeport.


L’accès au territoire du Haut-Karabakh est également restreint via l’Azerbaïdjan, dirigé par le président autoritaire Ilham Aliev. Les chaînes France 24 et Arte, entre autres, ont envoyé des équipes de télévision qui, extrêmement contrôlées, n’ont pas pu réaliser librement leurs reportages. 


Au moins sept journalistes ont été blessés durant la guerre du Haut-Karabakh, du 27 septembre au 9 novembre 2020. Touchés lors d’un bombardement dans la ville de Martouni, les journalistes d’Armenia TV, Avetis Haroutiounian et Aram Grigorian, le reporter de l’agence de presse arménienne 24news.am Sevak Vardoumian, ainsi que le frère d’un fixeur mort ce jour-là ont porté plainte contre l’Azerbaïdjan devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg, le 26 mars 2021.


L’Arménie, la Russie et l'Azerbaïdjan occupent respectivement la 61e, 149e et 168e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Updated on 09.04.2021