Simulacre de justice en Russie : quatre journalistes condamnés à cinq ans et demi de prison

Ce 15 avril, quatre journalistes russes ont été condamnés à cinq ans et six mois de prison pour “extrémisme”, pour avoir couvert les activités de l’opposant Alexeï Navalny, à l’issue d’un simulacre de procès à Moscou. Reporters sans frontières (RSF) dénonce cette décision inique, émanant d’une justice soumise au Kremlin, et exige leur libération immédiate.

Cinq ans et six mois de prison pour Antonina  Kravtsova (alias Favorskaïa) et Artyom Kriger du média indépendant russe SOTAVision, pour Konstantin Gabov, collaborateur de l’agence Reuters et de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), ainsi que pour Sergueï Kareline, journaliste free-lance pour le média allemand Deutsche Welle et l’agence de presse américaine Associated Press. Ils sont également soumis à une interdiction “d’administrer des sites Internet pendant trois ans”. La condamnation a été prononcée ce mardi 15 avril par le tribunal de Nagatinski à Moscou, à l’issue d’un procès à huis clos. Quelques jours avant, le procureur général avait requis contre chacun une peine de cinq ans et 11 mois d’emprisonnement – soit presque la peine maximale de six ans prévue par la législation russe. 

Détenus depuis 2024, ils étaient poursuivis pour “collaboration avec une organisation extrémiste” en raison de leur couverture des activités de l’opposant Alexeï Navalny, mort en prison en Russie le 16 février 2024. Ce dernier et sa fondation anticorruption, le FBK, ont été classés “extrémistes” par les autorités russes dès 2021. 

"Ce procès constitue un précédent glaçant : des journalistes russes subissent un procès collectif et ils sont tous condamnés simplement pour avoir fait leur travail. En Russie, informer librement est un crime. Le Kremlin ne juge pas des faits, il bâillonne celles et ceux qui dévoilent sa répression, informent sur son invasion de l’Ukraine ou osent défier sa propagande. RSF dénonce ce verdict inique aux ordres du Kremlin et demande leur libération immédiate."

Antoine Bernard
Directeur du plaidoyer et de l’assistance

Des sujets interdits

Comme pour illustrer ce procès, en dehors de la salle d’audience, les  journalistes couvrant ce procès ont fait l’objet d’actes d’intimidations. Ainsi, la journaliste Ekaterina Anikievich, de SOTAVision, a été détenue pendant plusieurs heures au poste de police le 20 mars, sans accès à un avocat et sans qu’aucune explication ne lui soit fournie. 

La répression judiciaire contre les journalistes ayant couvert le travail d’Alexeï Navalny dépasse les frontières de Moscou. Olga Komleva, correspondante du média indépendant RusNews à Oufa, ville située à plus de 1 300 kilomètres à l’est de Moscou, a été arrêtée le 27 mars 2024. Les autorités l’accusent d’appartenir à une "communauté extrémiste" et d’avoir diffusé de "fausses informations" sur l’armée russe.

RSF recense au moins 38 journalistes emprisonnés par la Russie, dont a minima 18 journalistes ukrainiens. Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022, plus de 1 500 journalistes russes ont été contraints à l’exil.

Classée 162e sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2024 par RSF, la Russie figure parmi les pays qui emprisonnent le plus de journalistes au monde, derrière la Chine, le Myanmar et la Biélorussie.

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