“Avec votre investiture, les journalistes ne doivent plus craindre la prison”, lettre ouverte de Reporters sans frontières au président Ollanta Humala
Organisation :
M. Ollanta Humala
Président de la République du Pérou
Palais du gouvernement, Lima
Monsieur le Président, Vous assumez aujourd’hui la charge que vous ont confiée les citoyens péruviens, à l’issue du scrutin du 5 juin 2011. Durant une campagne tendue, parfois marquée par de graves atteintes à la liberté éditoriale, vous aviez promis, le 29 avril dernier lors d’un forum de l’Institut presse et société (IPYS), de renoncer à toute poursuite contre des journalistes dans l’exercice de leur travail si vous étiez élu. Organisation internationale de défense de la liberté de la presse, Reporters sans frontières salue votre engagement mais vous demande d’aller plus loin. C’est avec satisfaction que nous avons appris l’adoption par la commission permanente du Parlement, le 21 juillet, d’une modification du code pénal éliminant toute peine de prison ferme en cas de “diffamation”. Cette importante avancée législative attend désormais votre signature. Nous voulons voir en elle un premier pas vers une dépénalisation totale des délits de presse au Pérou. Avec votre investiture, les journalistes ne doivent plus craindre la prison. La précédente mandature reste, en effet, marquée par une série de condamnations, qui contredisent à la fois les principes de la Constitution péruvienne ainsi que les standards juridiques interaméricains. La plus grave concerne Paul Garay Ramírez, directeur de programme de la chaîne Visión 47 TV et correspondant de la radio La Exitosa, incarcéré depuis le 19 avril dernier. Nous plaidons pour sa libération sans délai. Deux mois et demi plus tard, le 6 juillet, Hans Francisco Andrade Chávez, directeur du journal télévisé “América noticias”, de la chaîne América TV, a été condamné à deux ans de prison assortis d’une amende de 4 000 soles (environ 1 000 euros) de dommages et intérêts et 120 jours amende, par le tribunal de Libertad. Le journaliste reste heureusement en liberté dans l’attente d’une décision d’appel. Or, la condamnation dont il fait l’objet relève de propos qu’il n’a pas lui-même tenus. Les accusations proférées à l’antenne contre Juan Vásquez, fonctionnaire de la municipalité de Chepén, sont le fait d’une responsable de parti politique que Hans Francisco Andrade Chávez recevait en plateau. Les poursuites engagées par Juan Vásquez contre le journaliste et lui seul ne sont, à ce titre, pas recevables. En 2010, quatre autres journalistes ont été condamnés pour “diffamation” à des peines de prison. Ce défi juridique ne doit pas faire oublier l’impératif de sécurité des médias et de lutte contre l’impunité. La dernière Journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai 2011, a été endeuillée par l’assassinat, à Virú, de Julio Castillo Narváez, 41 ans, directeur de programme de Radio Ollantay. A ce jour, trois individus ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur ce crime mais ni l’identité de son commanditaire ni son mobile n’ont encore été établis. Pourquoi une telle lenteur ? Trop souvent, des procédures ont connu des retards voire des blocages dès lors qu’elles mettaient en cause des élus, des fonctionnaires ou des représentants de la force publique. Ainsi, tarde toujours le jugement des assassins de Miguel Pérez Julca, exécuté en 2007 à Jaén après avoir dénoncé des pratiques criminelles au sein de la police locale. De même, personne ne comprend le second acquittement dont a bénéficié, en février 2010, l’ancien maire de Pucallpa Luis Valdez Villacorta, pourtant désigné plusieurs fois comme le commanditaire de l’assassinat d’Alberto Rivera Fernández, de la station de radio Frecuencia Oriental, le 21 avril 2004. L’État de droit appelle le courage judiciaire. Il implique également la fin du harcèlement ciblé contre certains médias et leurs représentants. C’est en haut lieu qu’a été décidée, pendant quatorze mois et contre toute règle de droit, la suspension de la station La Voz de Bagua Grande, après les émeutes de Yurimaguas de juin 2009. Malgré le retour à l’antenne de la radio en août 2010, sa propriétaire, Aurora Burgos, risque aujourd’hui la prison pour “usage illégal de fréquence” ! Un tel acharnement doit cesser. Nous voulons croire que votre engagement souscrit le 29 avril permettra non seulement d’améliorer la condition professionnelle des journalistes, mais également de lever les derniers obstacles au pluralisme et à la liberté d’informer que soulignent ces différentes affaires. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette demande, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération. Jean-François Julliard
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Président de la République du Pérou
Palais du gouvernement, Lima
Monsieur le Président, Vous assumez aujourd’hui la charge que vous ont confiée les citoyens péruviens, à l’issue du scrutin du 5 juin 2011. Durant une campagne tendue, parfois marquée par de graves atteintes à la liberté éditoriale, vous aviez promis, le 29 avril dernier lors d’un forum de l’Institut presse et société (IPYS), de renoncer à toute poursuite contre des journalistes dans l’exercice de leur travail si vous étiez élu. Organisation internationale de défense de la liberté de la presse, Reporters sans frontières salue votre engagement mais vous demande d’aller plus loin. C’est avec satisfaction que nous avons appris l’adoption par la commission permanente du Parlement, le 21 juillet, d’une modification du code pénal éliminant toute peine de prison ferme en cas de “diffamation”. Cette importante avancée législative attend désormais votre signature. Nous voulons voir en elle un premier pas vers une dépénalisation totale des délits de presse au Pérou. Avec votre investiture, les journalistes ne doivent plus craindre la prison. La précédente mandature reste, en effet, marquée par une série de condamnations, qui contredisent à la fois les principes de la Constitution péruvienne ainsi que les standards juridiques interaméricains. La plus grave concerne Paul Garay Ramírez, directeur de programme de la chaîne Visión 47 TV et correspondant de la radio La Exitosa, incarcéré depuis le 19 avril dernier. Nous plaidons pour sa libération sans délai. Deux mois et demi plus tard, le 6 juillet, Hans Francisco Andrade Chávez, directeur du journal télévisé “América noticias”, de la chaîne América TV, a été condamné à deux ans de prison assortis d’une amende de 4 000 soles (environ 1 000 euros) de dommages et intérêts et 120 jours amende, par le tribunal de Libertad. Le journaliste reste heureusement en liberté dans l’attente d’une décision d’appel. Or, la condamnation dont il fait l’objet relève de propos qu’il n’a pas lui-même tenus. Les accusations proférées à l’antenne contre Juan Vásquez, fonctionnaire de la municipalité de Chepén, sont le fait d’une responsable de parti politique que Hans Francisco Andrade Chávez recevait en plateau. Les poursuites engagées par Juan Vásquez contre le journaliste et lui seul ne sont, à ce titre, pas recevables. En 2010, quatre autres journalistes ont été condamnés pour “diffamation” à des peines de prison. Ce défi juridique ne doit pas faire oublier l’impératif de sécurité des médias et de lutte contre l’impunité. La dernière Journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai 2011, a été endeuillée par l’assassinat, à Virú, de Julio Castillo Narváez, 41 ans, directeur de programme de Radio Ollantay. A ce jour, trois individus ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur ce crime mais ni l’identité de son commanditaire ni son mobile n’ont encore été établis. Pourquoi une telle lenteur ? Trop souvent, des procédures ont connu des retards voire des blocages dès lors qu’elles mettaient en cause des élus, des fonctionnaires ou des représentants de la force publique. Ainsi, tarde toujours le jugement des assassins de Miguel Pérez Julca, exécuté en 2007 à Jaén après avoir dénoncé des pratiques criminelles au sein de la police locale. De même, personne ne comprend le second acquittement dont a bénéficié, en février 2010, l’ancien maire de Pucallpa Luis Valdez Villacorta, pourtant désigné plusieurs fois comme le commanditaire de l’assassinat d’Alberto Rivera Fernández, de la station de radio Frecuencia Oriental, le 21 avril 2004. L’État de droit appelle le courage judiciaire. Il implique également la fin du harcèlement ciblé contre certains médias et leurs représentants. C’est en haut lieu qu’a été décidée, pendant quatorze mois et contre toute règle de droit, la suspension de la station La Voz de Bagua Grande, après les émeutes de Yurimaguas de juin 2009. Malgré le retour à l’antenne de la radio en août 2010, sa propriétaire, Aurora Burgos, risque aujourd’hui la prison pour “usage illégal de fréquence” ! Un tel acharnement doit cesser. Nous voulons croire que votre engagement souscrit le 29 avril permettra non seulement d’améliorer la condition professionnelle des journalistes, mais également de lever les derniers obstacles au pluralisme et à la liberté d’informer que soulignent ces différentes affaires. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette demande, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération. Jean-François Julliard
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on
20.01.2016