Australie : des centaines d’images privées de femmes journalistes publiées sur un forum ouvertement sexiste
Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté l’existence de ce site web particulièrement choquant, symptomatique des discriminations persistantes dont sont l’objet les femmes dans les médias australiens. L’organisation appelle les autorités à entamer une réflexion pour y mettre un terme.
“Superbes nichons”... “C’est le moment de changer l’angle de la caméra, histoire qu’on voit un peu plus de jambe”... C’est le type de commentaires, particulièrement peu amènes, qui accompagnent la publication, sur un forum australien administré depuis la République tchèque, de milliers de photos de journalistes femmes. Plusieurs centaines d’entre elles sont représentées sur ce site, qui compte plus de 80.000 membres. Les clichés publiés sont soit issus de captures d’écran vidéo, soit détournés depuis les comptes privés des journalistes sur les réseaux sociaux.
C’est la journaliste Lily Cardis qui a révélé, le 29 mai sur Twitter, qu’elle avait remarqué l’existence d’un compte Instagram dont la seule activité consiste à recueillir photos et vidéos de femmes journalistes pour les publier sur le forum. Assez vite, d’autres reporters, ainsi que le bureau australien du Guardian, ont identifié une quinzaine de comptes sur les réseaux sociaux ou sur Youtube, qui ont la même finalité.
Remarques graveleuses
Reportrice pour l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), l’audiovisuel public australien, Lily Mayers a découvert que des clichés privés, la représentant en maillot de bain sur une plage, circulaient sur le forum. Journaliste pour la chaîne Network 10, Antoinette Lattouf a elle aussi remarqué sur le site, pêle-mêle, la publication d’une vidéo privée prise à son domicile, ainsi qu’une photo d’elle couvrant la prise d’otage terroriste de décembre 2014 à Sydney, dont les seuls commentaires se limitent à son apparence physique, avec force remarques graveleuses.
“Il est extrêmement choquant de découvrir l’existence de ce forum, où les femmes journalistes sont réduites à l’état d’objet sexuel, avec un mépris révoltant pour leur professionnalisme, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons la ministre australienne des Femmes, Marise Payne, à se saisir de cette sordide affaire afin d’entamer une réflexion sur la façon dont sont traitées les femmes journalistes dans son pays.”
En septembre 2019, la Media, Entertainment and Arts Alliance (MEEA), la principale organisation de défense des droits des journalistes en Australie, a publié un rapport sur les femmes dans les médias intitulé “Les potes plutôt que le mérite” (“Mates over Merit”). Ce titre résume une situation où la part des femmes se réduit extrêmement vite au fur et à mesure que l’on monte dans la chaîne hiérarchiques des organes de presse. Beaucoup de femme se disent d’ailleurs victimes d’âgisme à partir de quarante ans.
Harcèlement
Le rapport révèle également que 41% des journalistes ont été visées par des campagnes de harcèlement en ligne ; une proportion qui monte à 48% pour les femmes qui ont fait l’expérience d’intimidation ou de harcèlement sexuel direct, au sein des rédactions pour lesquelles elles travaillent. On découvre aussi la persistance d’un écart de salaire hommes-femmes de 23,3%. Et, concernant les politiques de lutte contre ces discriminations, 89% des journalistes interrogées estiment qu’elles sont peu ou pas efficaces.
En chute de cinq places par rapport à 2019, l’Australie se situe à la 26e place sur 180 pays dans le nouveau Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF.