Arrestations “préventives” et chaise allemande au menu de la répression

Syrie

“Après plus de quatre mois de protestations, la répression ne faiblit pas. Plus de 70 exactions contre les professionnels des médias ont été recensées par Reporters sans frontières depuis le début des mouvements de contestation en mars 2011. Ce chiffre est révélateur de la volonté de contrôle médiatique des autorités syriennes et du danger que comporte la mission de journaliste ou le simple fait de relayer une information,” a déclaré l’organisation. Reporters sans frontières condamne l’arrestation, le 20 juillet 2011, de Mohamed Tahan Jamal, membre de la Ligue des écrivains arabes et du Syndicat des journalistes. Collaborateur du quotidien pro-gouvernemental Tishrine et signataire de l’”Appel d’Alep pour la nation” - une pétition remise au gouverneur de la ville et mise en ligne sur Facebook par 28 intellectuels aleppins, réclamant des réformes politiques et une transition pacifique - il a été arrêté à Alep dans le cadre d’une campagne d’arrestations préventives menée par les forces de l’ordre. L’organisation a également appris l’arrestation, le même jour, du photographe Khaldoun Al-Batal, alors qu’il couvrait un sit-in pacifique dans la vieille ville de Damas. Alors que Francis Deng, rapporteur spécial de Ban Ki-moon pour la prévention du génocide, évoque de possibles crimes contre l’humanité et que des rapports des Comités Locaux de Coordination en Syrie soulignent plusieurs cas de tortures, l’organisation s’inquiète du traitement des journalistes et blogueurs actuellement en détention. Le journaliste Saber Darwish, arrêté le 15 mars et libéré neuf jours plus tard, a rapporté à Reporters sans frontières les sévices qu’il a endurés durant sa détention. Il affirme avoir été soumis à la chaise allemande, après avoir reçu plusieurs décharges électriques. L’organisation rappelle qu’à ce jour, au moins six journalistes et blogueurs sont emprisonnés en Syrie : - Abd Al-Majid Tamer et Mahmoud Asem Al-Mohamed, journalistes indépendants travaillant pour des sites d'information kurdes, arrêtés par les forces de sécurité le 31 mai 2011; - Omar Kousch, arrêté le 1er mai 2011 à l’aéroport international de Damas alors qu’il rentrait d’une conférence en Turquie ; - Anas Al-Ma’arawi, journaliste, blogueur et fondateur du premier site en arabe spécialisé dans le système Androïd, arrêté le 1er juillet dans la banlieue de Damas ; - Manaf Al Zeitoun, arrêté le 25 mars 2011. L’organisation reste sans nouvelles de lui. - Mohamed Nijati Tayara, écrivain et membre de la Ligue des droits de l’homme, arrêté le 12 mai à un barrage de sécurité et accusé d’avoir divulgué de fausses informations. La cour pénale de Homs a finalement abandonné les charges qui pesaient contre lui après la seconde amnistie accordée par les autorités le 21 juin. Son dossier a été transféré à la cour de cassation de Damas, qui ne s’est toujours pas exprimée à son sujet. Après avoir entamé une grève de la faim avec d’autres prisonniers pour protester contre leur incarcération, Mohamed Nijati Tayara a vu son état de santé se dégrader, sans avoir accès aux soins appropriés. Seuls sa femme et son avocat sont autorisés a lui rendre visite une fois par semaine. L’organisation a également appris la démission d’Abd Al-Hamid Toufik, directeur des bureaux d’Al-Jazeera à Damas, en raison de la suspension des activités de la chaîne, et de la présentatrice d’Al-Arabiya Zeina Yazji, le 11 mai 2011, en raison des pressions subies par des partisans du régime.

Jordanie

Au son du slogan: “Les réformes politiques ne passent pas par l’oppression des journalistes”, trois cents personnes se sont rassemblées, le 22 juillet, à Amman, pour protester contre l’ agression de neuf journalistes dans la capitale, le 15 juillet 2011. Tarek Momani, président du syndicat de la presse jordanienne, a déclaré qu’il avait porté plainte contre les policiers. Depuis l’incident, quatre d’entre eux ont déjà été arrêtés et une enquête a été ouverte. Le 22 juillet, le roi Abdallah II a par ailleurs condamné les violences subies par les journalistes, les qualifiant d’injustifiées et garantissant que des mesures seraient prises dans les plus brefs délais pour assurer la protection des professionnels des médias.

Bahrein

La journaliste Reem Khalifa a été violemment prise à partie, le 14 juillet 2011, par des partisans loyalistes lors d’une conférence de presse à l’hôtel Ramada, à Manama, avant d’être elle-même accusée d’agression par les fauteurs de troubles. L’incident résulterait de son intervention devant Khalid bin Ahmed Al-Khalifa, ministre des Affaires étrangères, et Abdellatif al-Zayani, secrétaire-général du Conseil de coopération du Golfe, lors d’une conférence donnée par le premier ministre le 17 février dernier. Elle y avait publiquement exprimé son indignation et son inquiétude face aux répressions des premiers mouvements de contestation dans le pays. Elle avait qualifié les violences de “massacre”. Depuis, elle est harcelée et reçoit régulièrement des menaces téléphoniques de la part de partisans du régime, comme de nombreux journalistes dans le royaume.

Egypte

Reporters sans frontière regrette le licenciement, le 25 juillet 2011, de Dina Abd-Al Rahman, présentatrice du programme Sabah dream sur la chaîne Dream TV suite à une altercation en direct avec l’ex officier de l’armée de l’air Abd Al-Monem Kato. Peu après son licenciement, de nombreux militants et internautes ont exprimé leur indignation sur Internet, qualifiant Ahmed Bahgat, le patron de Dream TV, proche du conseil suprême des forces armées, “d’homme d’affaires opposé à la liberté de la presse sur sa propre chaîne’”. La responsabilité du conseil, dans cette décision, n’est pas avérée. Reporters sans frontières rappelle néanmoins qu’au cours des derniers mois, celui-ci est intervenu à de nombreuses reprises contre les professionnels des médias.
Publié le
Updated on 20.01.2016