Après la libération d’Ivan Golounov, RSF appelle à la mobilisation pour les autres journalistes emprisonnés en Russie
Reporters sans frontières (RSF) salue la mobilisation historique de la société civile russe, qui a abouti à la libération rapide du journaliste d’investigation Ivan Golounov le 11 juin. L’organisation rappelle toutefois que pas moins de six autres journalistes sont encore détenus en Russie. Portraits.
Читать на русском / Lire en russe
L’arrestation d’Ivan Golounov a révélé le sentiment d’impunité totale de policiers corrompus prêts à monter de toutes pièces des accusations absurdes contre un journaliste embarrassant. Un procédé qui a choqué à Moscou, mais qui n’est pas inhabituel dans le reste de la Russie. Un jeune reporter tchétchène, Jalaoudi Guériev, vient de purger trois ans de prison sous des accusations de détention de drogue tout aussi fantaisistes. Pas moins de six autres journalistes restent arbitrairement détenus pour n’avoir fait que leur travail. L’un d’entre d’eux, Igor Roudnikov, doit connaître son verdict le 17 juin : il risque jusqu’à dix ans de camp.
“L’expérience des derniers jours démontre qu’il est possible d’arracher des journalistes des griffes de la censure en Russie, si la solidarité et la mobilisation sont au rendez-vous, souligne le responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Johann Bihr. Mais la portée de cette victoire restera limitée si nous laissons croupir en prison les collègues d’Ivan Golounov. Le temps est venu de se mobiliser pour tous les autres journalistes injustement détenus dans le pays : je suis, nous sommes Igor Roudnikov, Remzi Bekirov, Alexeï Nazimov, Roman Souchtchenko, Alexandre Tolmatchev et Alexandre Valov.”
Remzi Bekirov
Correspondant du site d’information alternatif Grani.ru en Crimée (territoire ukrainien annexé en 2014), il couvrait particulièrement la persécution de la population tatare et des activistes pro-ukrainiens par les autorités russes. Il a été arrêté en mars 2019 lors d’un coup de filet dans la péninsule et accusé d’être parmi les “meneurs d’une organisation terroriste”, le Hizb-ut-Tahrir. Il encourt la prison à vie.
Alexeï Nazimov
Alexeï Nazimov était le rédacteur en chef du journal d’opposition Tvoïa Gazeta à Alouchta, en Crimée. Arrêté depuis octobre 2016, il a été condamné à quatre ans et sept mois de prison pour “extorsion de fonds” à l’encontre de l’antenne locale du parti au pouvoir Russie Unie, qu’il critiquait dans ses articles.
Igor Roudnikov
Fondateur et rédacteur en chef du principal journal indépendant de la région de Kaliningrad (Nord-Ouest), il est connu pour ses investigations sans concession, qui lui ont déjà valu deux tentatives d’assassinat. Il a été jeté en prison en novembre 2017 et accusé d’“extorsion de fonds” par le chef local de la police spéciale, qui était visé par ses enquêtes. Son procès se termine : Igor Roudnikov doit être fixé sur son sort le 17 juin. Harcelé de toutes parts, son journal, Novye Kolesa, a été contraint de mettre la clef sous la porte.
Roman Souchtchenko
Correspondant de l’agence de presse ukrainienne Ukrinform à Paris, il a été arrêté en septembre 2016 à Moscou, où il rendait visite à un ami. Il a été condamné à douze ans de camp à régime sévère pour “espionnage” au terme d’un procès à huis clos. L’essentiel de l’acte d’accusation est classé secret-défense, une tendance croissante en Russie.
Alexandre Tolmatchev
Alexandre Tolmatchev était rédacteur en chef de deux publications de la région de Rostov-sur-le-Don (Sud-Ouest), Oupolnomotchen Zaïavit’ et Pro Rostov. Il a été jeté en prison en décembre 2011 et illégalement maintenu en détention provisoire pendant près de trois ans, malgré de graves problèmes de santé. Il a été condamné à neuf ans de camp pour “extorsion de fonds”, notamment par ceux qu’il mettait en cause dans ses articles.
Alexandre Valov
Rédacteur en chef de la plateforme BlogSochi, dans la région de Sotchi (Sud-Ouest), il est connu pour ses critiques à l’égard des autorités locales. Accusé d’“extorsion de fonds” par un député qu’il mettait en cause, il a été arrêté en janvier 2018 et condamné à six ans de prison au terme d’une parodie de procès. Victime d’un piratage, BlogSochi n’est plus accessible.
Des dizaines d’autres journalistes font l’objet de poursuites judiciaires en Russie. Le pays occupe la 149e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019, publié par RSF.