« Je ne connais aucun pays qui autoriserait l'accès aux journalistes à des zones de conflit armé », a déclaré le président Islam Karimov, alors que la ville d'Andijan est totalement fermée aux professionnels des médias depuis le 14 mai. Reporters sans frontières rappelle que le chef de l'Etat ouzbek figure dans sa liste des prédateurs de la liberté de la presse.
« Nous sommes scandalisés par le blocus de l'information dans la région d'Andijan qui ouvre la voie à l'arbitaire le plus total. Nous demandons à la représentation de l'Union européenne et des Etats-Unis à Tachkent d'intercéder auprès du chef de l'Etat, Islam Karimov, en faveur du rétablissement immédiat du libre accès à l'information sur l'ensemble du territoire. Les journalistes ouzbeks et étrangers doivent être en mesure de travailler normalement afin que la population soit informée de l'évolution de la situation politique et sociale du pays. Nous condamnons fermement la politique du silence menée par les autorités ouzbèkes qui engendre des rumeurs et crée un véritable climat de terreur », a déclaré Reporters sans frontières.
Depuis que tous les journalistes locaux et étrangers ont été expulsés de la ville d'Andijan (est du pays) dans la nuit du 13 au 14 mai 2005, aucun professionnel des médias n'a pu se rendre sur place. La cité est coupée du monde, encerclée par un cordon étanche de blindés et de camions, établi par la police et l'armée. Le journaliste Dmitri Iasminov et le cameraman Viktor Mouzalevsky de la télévision russe REN-TV, qui avaient tenté de se rendre en voiture, le 14 mai, à Andijan, ont été arrêtés à un poste de contrôle situé à quelques kilomètres de la ville et détenus pendant plus de deux heures. « Ils ont été contraints de retourner à Tachkent et, selon nos informations, aucun journaliste n'est en mesure de couvrir les événements à Andijan », a déclaré Marianna Maksimosky, rédactrice en chef adjointe de l'information de REN-TV, à Reporters sans frontières. La voiture d'Alexeï Ivliev, journaliste de la télévision russe NTV, a été arrêtée par la police le 14 mai aux abords d'Andijan, lui interdisant l'accès à la ville. « Les policiers ont confisqué les papiers de l'équipe et nous ont escortés jusqu'à Tachkent », a t-il précisé à Reporters sans frontières.
Ce blocus de l'information est imposé par les autorités depuis le 13 mai. Les chaînes de télévision étrangères BBC, CNN, Deutsche Welle, diffusées habituellement par câble et satellite, sont toujours inaccessibles. Les journaux d'information des télévisions russes NTV, ORT et Rossiya sont remplacés par des écrans noirs et des intermèdes musicaux. Quant aux journaux télévisés des quatre chaînes publiques ouzbèkes, ils sont consacrés aux travaux des champs. En revanche, la conférence de presse du président Islam Karimov, qui s'est tenue le 15 mai à Tachkent, a été diffusée en boucle. Le chef de l'Etat a critiqué « les journalistes des médias étrangers qui ne sont payés que s'ils créent des informations sensationnalistes ». Rendant hommage à l'agence de presse Reuters pour sa relative objectivité, il a fustigé l'ensemble des journalistes « qui ont voulu répéter ce qu'ils avaient dit et écrit à Och et à Djalalabad (Kirghizistan) » et ceux qui « ont les yeux immenses de la peur et qui sont tentés par l'hyperbole ». Islam Karimov a également justifié le blocus de l'information à Andijan : « Je ne connais aucun pays qui autoriserait l'accès aux journalistes à des zones de conflit armé », a-t-il déclaré lors de cette conférence de presse.
Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères a rappelé, le 14 mai, qu'il se réservait le droit de refuser ou d'interrompre à tout moment l'accréditation attribuée à un journaliste étranger.
Si les autorités évoquent soixante-dix morts depuis le début des affrontements sanglants à Andijan, plusieurs témoins oculaires font état de plus de 500 morts et de
2 000 blessés, dont de nombreuses femmes et des enfants.