Algérie : Mohamed Mouloudj, 13 mois en prison pour un SMS
Le journaliste a été condamné ce mardi 18 octobre 2022 à deux ans de prison, dont un an ferme, par le tribunal criminel de Dar El Beïda à Alger. Mohamed Mouloudj est incarcéré depuis 13 mois à la prison de Koléa sous le chef d’inculpation d’appartenance à une organisation terroriste pour avoir envoyé un SMS à un opposant lui demandant une interview.
“Mohamed Mouloudj est libre mais sa condamnation à deux ans de prison, dont un ferme, témoigne de la volonté des autorités de réduire le journalisme “autorisé” à un simple exercice de louange de l’action du pouvoir. L’évidente régression de la liberté de la presse en Algérie pose désormais la question de la possibilité même de l’exercice du journalisme dans ce pays. La pression judiciaire entretenue par les autorités sur les professionnels des médias crée un climat de peur les poussant à l’autocensure et au renoncement.
Mohamed Mouloudj qui a fait l’essentiel de sa carrière au quotidien Liberté, aujourd’hui disparu, a été placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction près le pôle pénal du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, le 14 septembre 2021, aux côtés d’autres coaccusés. Il était poursuivi pour “appartenance à organisation terroriste”, et “atteinte à la sûreté de l’État”. Finalement, seule cette dernière charge a été retenue pour sa condamnation.
Le journaliste a été poursuivi pour un SMS envoyé le 27 avril 2021 à Ferhat Mehenni, le chef du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), dans lequel il lui demandait une interview pour les besoins d’un article à publier sur le journal Liberté. Transformé de manière absurde en “preuve” d’appartenance à une organisation terroriste, ce SMS a été invoqué pour justifier les poursuites et sa mise en détention provisoire durant 13 mois.
Le mouvement de Ferhat Mehenni a été classé comme organisation terroriste par le Haut Conseil de sécurité algérien (HCS) le 18 mai 2021. La justice algérienne a considéré qu’un simple échange de SMS entre un journaliste et le chef de ce mouvement était un acte passible de la loi antiterroriste.
Le SMS incriminé a été envoyé en avril, soit avant le classement du MAK comme organisation terroriste, ce qui pose un problème de respect du principe universel de non-rétroactivité des lois. Ces poursuites et cette condamnation sont également en contradiction avec les engagements des autorités algériennes en matière de liberté de la presse et avec la loi fondamentale qui dispose en son article 54 que l’activité de journaliste ne peut être sanctionnée par une peine privative de liberté.
D’autres professionnels des médias sont encore aujourd’hui passibles de fortes peines de prison sur la base de la loi antiterroriste dont le contenu a été durci en juin 2021. Parmi eux, le journaliste de Radio M Saïd Boudour et la photojournaliste Jamila Loukil, cibles d’un acharnement judiciaire sans fin. En avril 2021, le procureur général d’Oran les a accusés de “complot contre la sécurité de l’État”, de “propagande susceptible de nuire à l’intérêt national” ainsi que “d'appartenance à une organisation terroriste”. Leur affaire a été renvoyée en septembre dernier devant la division antiterroriste et transfrontalière du tribunal de Sidi M’Hamed à Alger.