Algérie : le procès de Ihsane El Kadi repose sur un dossier vide

Compte tenu de la vacuité du dossier monté contre le directeur de Radio M et de Maghreb Émergent,  Reporters sans frontières (RSF) demande l’abandon des charges fallacieuses retenues contre lui et sa libération immédiate. Ihsane El Kadi et ses avocats ont pour leur part décidé de boycotter le procès qui s’ouvre à Alger le 12 mars en raison des nombreuses irrégularités constatées.

Placé en détention préventive depuis le 29 décembre 2022 pour avoir reçu des fonds de l’étranger “pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'État, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale, aux intérêts fondamentaux de l'Algérie ou à la sécurité et à l'ordre publics”, le cofondateur et directeur de Radio M et Maghreb Émergent Ihsane El Kadi doit comparaître à partir du 12 mars 2023 devant un tribunal à Alger. En raison des “innombrables irrégularités” et en ”l’absence de garanties pour un procès équitable”, le journaliste et ses avocats ont annoncé leur décision de boycotter l’audience qui va de surcroit statuer sur un dossier vide.

Il n’y a aucun document dans le dossier judiciaire attestant que Ihsane El Kadi ou Interface médias (la société éditrice de Radio M et Maghreb Émergent, ndlr) aient reçu des fonds d’organismes étrangers ou d’une personne étrangère”, a assuré Me Zoubida Assoul, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à Alger le 4 mars, battant ainsi en brèche les fondements de l’argumentaire développé par la justice algérienne et relayé par certains médias proches du pouvoir. 

Selon l’avocate, l’accusation ne s’appuierait en fait que sur une somme de 25 000 livres sterling (soit 28 000 euros), envoyée à Ihsane El Kadi par sa fille, actionnaire du groupe Interface Médias, depuis la Grande-Bretagne, où elle réside. Cette somme envoyée par tranches sur trois ans, entre 2019 et 2021, était destinée au paiement des salaires des journalistes et employés du groupe, qui se trouvait alors en difficulté financière. Selon Me Zoubida Assoul, la société éditrice de Radio M et Maghreb Émergent cumulait une dette fiscale estimée à 9 millions de dinars (soit plus de 61 000 euros) et n'était plus en mesure de rémunérer ses salariés.  

“Les éléments d’informations fournis par les avocats d'Ihsane El Kadi démontrent clairement que les accusations brandies par la justice algérienne ne sont qu’un prétexte pour le maintenir en détention et faire taire la voix libre et indépendante que portent si haut les deux médias qu’Ihsane El Kadi incarne. Nous demandons l’abandon de toutes les charges retenues contre Ihsane El Kadi et sa libération immédiate. Il est temps de mettre fin à cet acharnement  contre lui.

Khaled Drareni
Représentant de RSF pour l’Afrique du Nord

Ihsane El Kadi est soumis depuis plusieurs années à un véritable harcèlement politico-judiciaire. Son arrestation a suscité une véritable vague d’indignation. Début janvier, 16 patrons de rédaction et de médias, dont le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, prix Nobel de la paix 2021, Dmitri Mouratov, ont lancé un appel commun pour sa libération. Une pétition de soutien lancée par RSF en sa faveur a déjà reçu plus de 11 000 signatures. RSF a également saisi en urgence la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Irene Khan. Pour RSF la date d’arrestation du journaliste, le 24 décembre 2022, quelques jours après la publication d’un tweet et d’articles sur le site de Radio M et très critiques envers les autorités algériennes, montre une volonté politique de museler les médias indépendants.

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