Afghanistan : les arrestations arbitraires de journalistes se multiplient
Au moins 12 journalistes ont été arrêtés ou interpellés dans le pays, au mois de mai, alors que les talibans ont annoncé la mise en place d’un système censé les protéger. Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement ces arrestations arbitraires et demande au gouvernement des talibans de respecter leurs engagements pour la protection des journalistes et la loi sur la presse.
Le 19 mai, lors d’une cérémonie dédiée à la liberté de la presse organisée par la nouvelle Fédération des journalistes et des médias d'Afghanistan et le ministère de l'Information et de la Culture, plusieurs responsables d’associations locales ont évoqué les difficultés des journalistes et des médias. Ils ont notamment pointé “le manque d'accès à des informations exactes”, “le manque de liberté d'expression”, “les problèmes économiques des médias du pays”, ainsi que “le comportement agressif des forces de l’ordre de l'Émirat islamique avec les travailleurs des médias”. Zabihullah Mujahid, porte-parole de l'Émirat islamique d'Afghanistan et vice-ministre des Publications du ministère de l'Information et de la Culture, a, quant à lui, profité de l’occasion pour annoncer la création, le jour même, de la Commission de vérification des délits des médias et de la Commission pour le droit à l’accès à l'information.
La Commission de vérification des délits des médias, que réclamaient depuis longtemps les journalistes afghans, pourrait leur offrir un régime plus protecteur, à condition de pouvoir travailler de manière indépendante et d’appliquer la loi sur la presse. Selon celle-ci, les plaintes déposées contre les médias et les journalistes doivent être traitées par la commission avant d’être, le cas échéant, transmises à la justice.
Pourtant, à ce jour, l’annonce de la création de cette commission n’a pas été suivie d’effet et elle n’a pas empêché les nombreuses arrestations de journalistes. 12 journalistes ont été arrêtés entre le 28 mars et le 29 mai et quatre d’entre eux sont toujours en prison : Khalid Qaderi, poète et journaliste pour la radio Norroz, condamné le 7 mai à un an de prison par un tribunal militaire dans la ville de Hérat (ouest de l’Afghanistan) ; Mirza Hassani, directeur de la radio Sedai Aftab (la voix du soleil) arrêté le 22 mai à Hérat pour “collaboration avec le front de résistance” en détention provisoire ; Jamaluddin Deldar, journaliste pour la radio Gardiz, arrêté le 24 mai, manifestement en raison de la position politique de son père ; Khan Mohammad Sayal, journaliste de Payvasouton TV, arrêté le 10 mai pour “une affaire privée” sans plus d’explication, dans la province d’Oruzgan (centre du pays). Aucun de leur dossier n’a été traité par la Commission de vérification des délits des médias, comme le demande la loi.
Le 28 mai, Basireh Mosamam, Ologh big Ghafori et Firouz Ghafori, trois journalistes de la province de Faryab (nord du pays), ont eux aussi été arrêtés. Une arrestation faisant suite au dépôt d’une plainte par le directeur local du ministère de l’Information et de la Culture, dont les pratiques de corruption, alors qu’il était vice-directeur local de l’Éducation nationale, avaient été mises au jour par ces journalistes. Un abus de pouvoir qui vient s’ajouter à l’absence de consultation de la commission, car sa première plainte avait été jugée irrecevable. Après sept heures de détention, ils ont été libérés sous caution dans l’attente de leur jugement.
Le 13 mai, Jawad Etemad, journaliste pour l’agence Asvaka News a quant à lui été arrêté par l’Istikhbarat (service de renseignement) alors qu’il couvrait un attentat dans une mosquée à Kaboul, avant d’être libéré deux jours plus tard.
Après une détention de cinq jours, Aliakbar Khairkhawa, journaliste de SubhKabul, a été relâché par des “hommes inconnus”. Selon les informations recueillies par RSF, le journaliste avait été arrêté par une branche de l’Istikhbarat. Le même jour, le journaliste Roman Karimi et son collègue Samiollah, travaillant pour Salam Wadanadr, et Farzad, cameraman local du New York times, ont été interpellés pendant qu’ils couvraient une manifestation de femmes à Kaboul avant d’être libéré après sept heures d'interrogatoire.